mercredi 31 juillet 2013

19-2, CAMUS ET AYN RAND

Je ne suis pas téléphile. Parfois, j’avoue me laisser accrocher par certaines émissions de télé. Ce fut le cas l’an dernier par la série 19-2 à Radio-Canada. Je n’avais pas écouté la «première saison», comme on dit. L’été dernier (2012), pour me reposer d’un long printemps particulièrement agité, je me suis laissé tenter par quelques épisodes en reprise de la série 19-2. Ça m’a emballé et donné le goût de revoir la première série au complet, alors je me suis procuré le coffret de la première saison. Comme je n’écoutais les épisodes qu’au compte-goutte, à temps perdu, la deuxième saison a débuté de manière fracassante, retentissante, alors que j’étais encore à achever la première suite. Le premier épisode de la deuxième saison, qui fit beaucoup jaser, s’ouvrait avec celle de la tuerie dans une école. Les amateurs d’hémoglobine furent au rendez-vous. J’ai persisté dans l’écoute des deux séries en parallèle mais j’ai cessé, franchement incapable de poursuivre. Je ne suis pas en effet un adepte de la philosophie de l’absurde. Je voudrais ici m’en expliquer.
La série 19-2 nous engage en effet à la philosophie de l’absurde d’Albert Camus, en particulier dans le Mythe de Sisyphe (paru en 1942). Le sous-titre du fameux essai de l’écrivain, journaliste d’origine algérienne, mort en 1960 à l’âge de 47 ans, est : Essai sur l’absurde. La première phrase de l’essai donne le ton : «Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide.» Camus réduit la philosophie au suicide : «Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie.», écrit-il encore en seconde phrase.
Or, quand je regarde 19-2, en particulier la vie de Nicolaï Berrof (Réal Bossé), ainsi que celle de Benoît Chartier (Claude Legault), qui font équipe comme patrouilleurs de la Police métropolitaine de la ville de Montréal, l’interrogation philosophique de Camus me prend à la gorge: pourquoi pas le suicide? Puisque tout est foncièrement absurde, pourquoi pas?, en effet. Pour quelle raison continuer à exister comme le font Berrof et Chartier alors que leur existence ne rime qu’à l’absurde? La plus misérable existence n’est-elle pas celle de Berrof, dont la mère lui dévoile sans ménagement, devant ses amis, qu’elle ne l’a jamais aimé; qu’il n’habite plus avec sa conjointe, la Sergente-détective Isabelle Latendresse (Julie Perreault) qui, pourtant, travaille, comme lui, au même poste de police, et dont leur unique fils, Théo (Robert Naylor), consomme et tombe dans la délinquance; qui plus est, son commandant en chef, Marcel Gendron (Julien Petitclerc), ne le porte pas du tout dans son cœur en plus de convoiter son épouse; à cela, il faut ajouter le sort misérable de son ex-confrère, Jean-Pierre Harvey (Vincent Gratton), ayant perdu l’usage d’un œil et une partie de ses capacités cérébrales lors d’une intervention armée mal engagée. Berrof ne devrait-il pas s’enlever la vie devant tant de calamités qui pèsent sur lui telle une chape de plomb? On ne voit pas comment une personne normale puisse assumer tant d’adversités et continuer à poursuivre son existence ainsi que son travail de patrouilleurs qui n’est pas, pour dire le moins, de tout repos.
Ce Berrof n’est-il pas l’illustration parfaite de ce pauvre héros mythologique, Sisyphe, dont les mythographes ne s’entendent sur le motif de sa condamnation exemplaire par Zeus, le roi des dieux? Sisyphe fut condamné dans l’Hadès à rouler une pierre énorme jusqu’au sommet d’une montagne qui redescendait vers le bas une fois parvenu à son but; l’infortuné était alors contraint de recommencer éternellement son travail. Lorsqu’on pense à Berrof - ainsi qu’à son collègue Chartier qui, lui aussi, ne fut pas épargné, loin de là, par le malheur -, on ne peut songer qu’à Sisyphe tant leur «existence» est semblable, c’est-à-dire misérable. «Absurde», aurait dit Camus. Toute existence, en effet, est absurde, - du moins selon Camus. Pourquoi alors vivre se demande le philosophe? S’il n’y aucune bonne raison d’exister, alors il convient de s’enlever la vie. N’est-ce pas une bonne raison de se suicider puisque le monde est irrationnel, absurde?
Mais ce n’est pas là la conclusion que tira Camus. Du moins, l’auteur du Mythe de Sisyphe ne s’est pas suicidé puisqu’il est mort d’un absurde accident d’automobile. Je soutiens que le réalisateur Podz et son équipe de scénaristes nous livrent précisément ce message dans la série 19-2: l’existence est absurde. D’où la question philosophique par excellence : pourquoi pas le suicide?
Alors, pourquoi Camus ne s’est-il pas suicidé? La réponse de Camus devrait être aussi celle de Podz et de ses scénaristes qui explique pourquoi Berrof et Chartier continuent malgré tout à vivre. En gros, la réponse de Camus est celle-ci : accepter le suicide, c’est accepter l’absurde; choisir de vivre, c’est accepter d’être libre et autonome dans un univers absurde. En somme, la réponse de Camus constitue, non pas une renonciation, mais un vibrant appel à la liberté. «Il faut imaginer Sisyphe heureux.», c’est sur cet impératif que se clôt le Mythe de Sisyphe. Choisir de rester dans ce monde, donc exercer sa liberté, même si celui-ci est privé d’espoir soumis qu’il est à l’absurde, constitue, selon Camus, le geste de suprême liberté. Jean-Paul Sartre dira de son côté que la liberté est notre seule «essence» car nous sommes «condamnés à la liberté.», selon une formule restée célèbre. Sartre parle de la sorte de la liberté dans L’existentialisme et un humanisme. Qu’on le veuille ou non, la liberté reste, en son fond, paradoxale. Elle est en effet paradoxale puisque nous n’avons ni voulue, ni décidée d’être libre, mais qui, par ailleurs, nous contraint à choisir.
C’est donc au nom de la liberté que Camus rejette le suicide. Je soutiens qu’il en va de même pour les auteurs de 19-2. La seule raison pourquoi il vaille la peine de rester en vie et de poursuivre, malgré l’absurdité de l’existence, c’est que nous sommes des hommes et des femmes libres, libres de ne pas se soumettre à l’implacable force de l’absurdité de l’existence.
Le «théâtre de l’absurde» - celui d’Eugène Ionesco, de Samuel Beckett, d’Arthur Adamov, de Jean Genet, voire d’Harold Pinter - a précédé 19-2. Le théâtre de l’absurde consiste à montrer l’absurdité de l’existence pour que, par un effet de catharsis (de «purgation», le mot est d’Aristote), le spectateur et le public soit amené à réagir, c’est-à-dire à explorer d’autres formes d’existences plus authentiques, moins absurdes.
Alors, pourquoi donc aie-je cessé brutalement de visionner 19-2? La réponse de Camus fasse à son interrogation philosophique n’est-elle pas suffisante en elle-même? Ne comporte-t-elle pas, sinon un espoir, du moins une issue hors de l’absurdité de l’existence qui permet de reprendre son souffle? En somme, 19-2 n’est-il pas un hymne à la liberté et à l’humanisme? N’est-ce pas là ce que témoignent Berrof et Chartier en continuant d’assumer leur sale boulot malgré leur existence plus que misérable?
19-2 ne véhicule pas seulement un message moral touchant l’absurdité de l’existence. Il véhicule également un message politique. Les agents de la paix, sont au service de l’État. Ils constituent, dans une démocratie, le bras armé du pouvoir exécutif. De ce fait, ils représentent un mal nécessaire, bien qu’ils soient mal aimés. La question que ne se posait pas Camus, mais que nous pouvons, nous, nous poser, est la suivante : si l’existence est absurde, la politique le serait-elle aussi? Bien que la série tente de redorer le blason à une profession qui a en bien besoin, ce que montre toutefois 19-2, c’est que le pouvoir exécutif que constitue la police est lui-même rongé par l’absurde de l’intérieur. Ce que révélait de son côté le film Omertà de Luc Dionne (2012). Le «mal» ne vient pas tant des criminels que de la haute direction de la police. Dans la deuxième saison de 19-2, la «taupe» infiltrée, se révèle finalement être nul autre que le sergent Julien Houle (Sylvain Marcel), le plus «sain» apparemment de toute la gang…
Dans la pièce célèbre de Sartre, Huis clos, il y a cette phrase célèbre : «L’enfer, c’est les Autres». Le plus détestable, c’est en effet le jugement d’autrui. À cet égard, Chartier écope à souhait : lui, le «chevreuil», ce transfuge de la Sureté du Québec qui fuit les démons de sa campagne natale pour refaire sa vie dans la grande ville. Dans l’univers de l’existentialisme camusien ou sartrien, il est clair que la perception subjective de soi-même et des autres est centrale, voire capitale. En fait, il n’y a que cela. Si la liberté existe, c’est encore une donnée subjective, jamais objective, du monde, que chacun doit reconnaître par et pour lui-même. Car rien n’est donné objectivement dans l’univers camusien ou sartrien.
C’est précisément sur ce point où je décroche de 19-2, de Camus et de leur envolée pour le merveilleux monde de l’absurde. Il me rappelle trop ce philosophe britannique, d’origine écossaise, David Hume (1711-1776) qui, à l’âge de 26 ans seulement, écrivait dans un immense traité (Traité de la nature humaine), ce qui suit : «La raison est, et elle ne peut qu’être, l’esclave des passions; elle ne peut prétendre à d’autre rôle qu’à les servir et à leur obéir. (…) Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de mon doigt.»[1]
Un livre insolite, paru en 2007, au titre provocateur, What is your Dangerous Idea?[2], demandait à de grands penseurs actuels dans toutes les disciples d’évoquer ce qu’ils tiennent pour leur plus dangereuse idée. Évidemment, plusieurs répondirent en évoquant les idées de Darwin concernant l’évolution biologique de l’espèce humaine sans intervention divine. Effectivement, le monde depuis lors a perdu l’idée pernicieuse d’une finalité à l’univers. Bertrand Russell (1872-1970) résumait la résultante de la dangereuse idée de Darwin de manière exemplaire dans un texte également exemplaire de lyrisme, «Profession de foi d’un homme libre» :
Que l’Homme soit le produit de causes qui ne prévoyaient nullement la fin qu’elles accomplissaient; que son origine, son développement, ses espoirs et ses peurs, ses amours et ses croyances, ne soient rien d’autre que le résultat de collisions accidentelles d’atomes; qu’aucun feu, aucun héroïsme, aucune intensité de pensée et de sentiment ne peuvent préserver une vie individuelle de la tombe; que tous les travaux des âges, toute la dévotion, toute l’inspiration, tout l’éclat de midi du génie humain soient destinés à disparaître dans la vaste mort du système solaire, et que le temple entier de la réalisation de l’Homme doive inévitablement disparaître sous les décombres d’un univers en ruines (toutes ces choses, si elles n’échappent pas à la discussion, sont néanmoins si proches de la certitude qu’aucune philosophie qui les rejette ne peut espérer tenir debout). Ce n’est que sur l’échafaudage de ces vérités, sur le fondement ferme du désespoir inébranlable, que l’habitation de l’âme peut désormais être bâtie en toute sécurité.[3]
Devant donc l’absurdité du monde dans lequel nous vivons où, comme le chante éloquemment les Mythy Python, dans leur film Le sens de la vie, «Pour des millions de gens, la vie n’est qu’une triste vallée de larmes./ Assis en rond sans rien à se dire./ Les scientifiques disent que nous ne sommes que des spirales d’ADN se reproduisant à tout jamais.», il convient d’admettre en toute liberté que nous ne sommes que cela, à savoir des fragments d’ADN qui ne désirent que se répliquer, comme le soutien avec force le célèbre biologiste britannique, Richard Dawkins.
Pour moi, la plus dangereuse des idées fut celle de David Hume, et que Camus développa ensuite à sa manière. Si, objectivement, le monde qui nous entoure est vicié par l’absurde, la seule retraite possible est le soi-même, le merveilleux monde de la subjectivité que Hume, le premier, ouvra, pour nous, modernes. Nous en sommes toujours là. L’important est de le savoir; surtout que toute cette subjectivité dithyrambique constitue un véritable poison fort dangereux et contre lequel il faut impérativement se prémunir. C’est pourquoi, ayant compris cela, je décidé de ne plus regarder 19-2.
Ayn Rand (1905-1982)
La plus virulente critique du subjectivisme vient de la philosophe américaine, d’origine russe, Ayn Rand (1905-1982). Alors qu’en France l’existentialisme de Camus et de Sartre avait le vent dans les voiles, aux États-Unis, dans les années ’60, Ayn Rand martelait sa philosophie anti-subjectiviste, baptisée d’«Objectivisme». Comme son nom l’indique, l’objectivisme entend redonner à la réalité son objectivité.
En 1957, Rand fait paraître un roman qui deviendra célèbre, Atlas Shrugged (La révole d’Atlas)[4], où le héros, John Galt, prononce un discours –fleuve s’étendant sur près de 70 pages. John Galt expose la philosophie de l’objectivisme de l’auteure. «Nous, les hommes de raison, nous sommes en grève contre vous et vos semblables au nom d’un seul axiome, qui est le fondement de notre code moral, de même que le fondement du vôtre est votre désir de ne pas en tenir compte. À savoir que l’existence existe[5] C’est-à-dire que le principe de bas de l’objectivisme est que la réalité existe que nous le voulions ou non. En somme, l’objectivisme est un réalisme. En philosophie, le réalisme est la doctrine voulant qu’un monde extérieur existe en dehors de nos consciences. Puisque la «réalité» est absurde, elle est déclarée nulle et non avenue par le subjectivisme, tout ce qui a une réalité c’est la vie intérieure de la conscience. En somme, le subjectivisme est une forme d’idéalisme ou d’anti-réalisme.
L’admission du réalisme implique par ailleurs l’admission de la raison que le subjectivisme, dans sa version existentialiste, déclare obsolète parce qu’il n’y a que l’absurde. Or, si tout est absurde, autant dire que «tout est absurde» est absurde! La philosophie subjective de l’existentialisme est franchement irrationnelle de part en part.
L’objectivisme de Ayn Rand admet donc, à côté de la réalité première et indépassable de l’existence, la raison, délaissé par le penseur existentialiste, laquelle permet de connaître la réalité et de vivre sur cette planète. Penser rationnellement permet d’accéder à la réalité, c’est-à-dire de survivre et d’être heureux. Or, il se trouve que plusieurs abdiquent devant les exigences de la pensée, préférant s’en remettre à l’univers subjectif de la pensée irrationnelle, laissant les autres penser à leur place. La réalité aura cependant le dernier mot. John Galt dit encore à ce propos:
Vous refusez de penser quand vous laissez votre esprit divaguer dans un brouillard intérieur pour ne pas endosser la responsabilité de juger, acte qui repose sur la notion implicite qu’une chose n’existe pas tant que vous refusez de l’identifier. A ne sera pas A tant que vous ne l’aurez pas admis. Ne pas penser est un acte nihiliste, une volonté de nier l’existence, une tentative de balayer la réalité. Mais l’existence existe. On ne peut pas balayer la réalité, c’est elle qui finit par balayer ceux qui la balaient.[6]
Et la liberté, cette valeur si chère aux existentialistes, que devient-elle pour l’objectivisme? D’abord, il faut savoir que tout valeur découle d’une valeur suprême, indépassable, la vie, l’existence. «Seul le concept de ‘vie’, dit encore John Galt, rend possible le concept de ‘valeur’.» Donc, la liberté est seconde par rapport à la vie ou à l’existence qui, faut-il le rappeler, est la réalité première, la donnée de base fondamentale - «métaphysique». L’être humain a ensuite le choix fondamental : penser ou ne pas penser; conserver sa vie et s’épanouir ou n’être qu’un animal suicidaire vivant à ses risques et périls, voguant vers le malheur. John Galt ne cesse de répéter que vivre, c’est-à-dire penser, et que penser implique un choix éthique fondamental. Là réside la liberté ou plutôt le libre-arbitre. Celui ou celle qui ne pense pas, n’est donc pas libre.
Penser, c’est comme savoir jouer de la musique sur un instrument. Tout le monde est évidemment libre de jouer ou de ne pas jouer de la musique. Jouer de la musique exige toutefois un effort. Il n’y rien d’automatique, bien que chacun en possède la capacité. Penser, ce n’est pas seulement entretenir des pensées ou être simplement conscient. Idem pour jouer de la musique : ce n’est pas simplement fredonner machinalement un air, une mélodie dans son esprit; c’est comprendre musicalement une pièce et être en mesure de l’exécuter sur un instrument.
Penser implique un choix délibéré, intentionnel, d’examiner systématiquement les conséquences d’une action, d’une idée. En somme, penser c’est interroger, examiner, investiguer la réalité.
Ce qui précède explique en bonne partie pourquoi l’étiquette «libertarienne» ne convient pas à la philosophie d’Ayn Rand. Elle même a choisi délibérément le terme «objectivisme» par opposition précisément au subjectivisme qui a cours en philosophie et qui est aujourd’hui dominant. La liberté, donc, bien qu’importante, découle de la réalité première qu’est la vie. Est libre, donc, celui ou celle qui pense afin de survivre et s’épanouir.
Tout cela étant bien ficelé au plan théorique et philosophique, que proposerait donc un scénariste inspiré de l’objectivisme d’Ayn Rand au lieu du subjectivisme à la Camus? Évidemment, je ne suis pas scénariste, et je n’ai pas le talent extraordinaire que possédait à ce chapitre Ayn Rand. Rappelons, à cet égard, que le scénario du roman Atlas Shrugged est génial et d’une originalité inouïe. Afin de promouvoir sa philosophie de l’objectivisme, l’auteure imagine une situation des plus rocambolesques où, pour stopper les avancées d’une société américaine qui sombre de plus en plus dans la misère en raison des politiques socialistes du gouvernement, Rand conçoit une «grève» menée par les grands entrepreneurs du pays, avec John Galt à leur tête, lui-même inventeur d’un moteur révolutionnaire, en lutte contre la dictature socialiste de l’État américain.
Ce qu’il faut toutefois retenir du roman randien, c’est qu’en plus d’être une œuvre d’art de premier ordre, le roman est un vibrant témoignage d’espoir dont le propos central est de convaincre le lecteur que la vie humaine sur cette terre vaut la peine d’être vécue. Ce monde dans lequel nous vivons n’est pas du tout en son fond absurde et malveillant. Le monde est bon, bienveillant; il suffit seulement d’user de la pensée rationnelle. Les existentialistes accusent l’univers d’être absurde et condamnent les penseurs du siècle des Lumières de leur culte de la raison et de son pouvoir illusoire sans espoir. Au contraire, Ayn Rand prend le contrepied des contempteurs contemporains de la raison et des capacités mentales de l’être humain en célébrant les bienfaits de la raison laquelle fut le moteur du siècle des Lumières et sur lequel notre monde moderne est érigée.
L’univers camusien de 19-2 est celui d’un monde pessimiste où l’homme est livré aux «monstres» de l’absurdité et des malheurs les plus terribles. On se croirait assister à une tragédie grecque où, comme l’écrit Shakespeare dans Macbeth (Acte V, scène 5), «La vie [n’est] qu’une histoire dite par un fou, pleine de fracas et de furie, et qui ne signifie rien…» L’univers du «théâtre de l’absurde» est irrespirable où la seule gloire reste d’affronter et d’assumer ce monde franchement innommable. Quelle barbarie! On est loin de la civilisation et de sa promesse du bonheur. Les Grecs qui inventèrent la philosophie pour pallier aux histoires aberrantes relatant les grands fracas des aventures des dieux, paraissent loin bien derrière nous. «Bonheur», d’ailleurs, n’est-ce pas, est un mot aujourd’hui disparu. C’est pourquoi, dans la novlangue du roman 1984 d’Orwell, cet autre roman marquant du XXe siècle, le mot «bonheur», de même que «pensée», sont bannis. (Rappelons que la novlangue dans 1984 fut inventée pour répondre aux besoins politiques de l’Angsoc, le socialisme anglais, le régime politique d’Océania, c’est-à-dire, en gros, Londres.)
Jetons donc aux rebus 19-2, et attendons des scénaristes plus optimistes, plus joyeux, qui ne sombrent pas dans les délires de l’absurde.


Le 30 juillet 1944, la veille de sa mort au combat, Antoine de Saint Exupéry écrivit une lettre adressée à un général qui demeure d’une hallucinante lucidité sur la culture de la société moderne. «Mais si je rentre vivant de ce "job nécessaire et ingrat", il ne se posera pour moi qu’un problème : que peut-on, que faut-il dire aux hommes? «Job nécessaire et ingrat» fut également le lot de Berrof et Chartier. Podz et son équipe s’en sont repus à satiété. «Si je rentre vivant, que peut-on, que faut-il dire aux hommes?», demande l’auteur du Petit Prince qui n’est jamais rentré.

D’après Ayn Rand, ce qu’il faut dire aux hommes, c’est ce que la philosophe désigne sous le vocable percutant de «cannibalisme moral» qui règne en roi et maître partout. Puisque la tendance forte est de ne plus penser; que les autorités, surtout l’État (qui, au Québec, a remplacé l’Église), exige davantage le sacrifice de soi pour les autres; que la recherche de l’égalité à tout prix nivelle vers le bas en tout; nous assistons bel et bien au «cannibalisme moral» exigeant le sacrifice de soi pour les autres lequel, comme on le voit, mène à l’abrutissement contre lequel il ne paraît pas y avoir de solution. À moins, ne cesse de répéter Ayn Rand, de ne plus être des animaux sacrificiels et, une fois pour toutes, de se mettre à penser.
 


[1] David Hume, Traité de la nature humaine, livre II, troisième partie, section III.
[2] Recueil de textes édité par John Brockman chez Harper et ayant pour pour sous-titre : Today’s Leading Thinkers on the Unthinkable. Avec une introduction de Steven Pinker et une postface de Richard Dawkins.
[3] Bertrand Russell, «Profession de foi d’un homme libre», in Mysticisme et logique, Paris, Vrin, 2007, p. 66. L’article de Russell est paru originellement en décembre 1903; l’ouvrage de Russell où il fut reproduit date de 1917.
[4] Traduction française parue seulement en 2011 sous le titre La Grève.
[5] Ayn Rand, La Grève, Les Belles Lettres, 2011, p. 1013.
[6] Ibid., p. 1015.

mardi 9 juillet 2013

LAC-MÉGANTIC: MMA COUPABLE EN VERTU DU PRINCIPE DE PRÉCAUTION

À supposer qu'il soit établi que la compagnie Montreal, Main and Altantic ne soit pas tenu responsable de la catastrophe humanitaire du Lac-Mégantic, reste la possibilité de l'inculper pour non-respect du Principe de précaution qui dit: « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant la prévention. » Si vous constatez de la fumée dans votre cuisine, si vous ne faites rien avant d'avoir la certitude qu'il y a du feu, vous êtes un imbécile irresponsable. C'est le cas je pense du PDG Edward A. Burkhardt, propriétaire de Rail World de Rosemont, Illinois. Sus à l'infâme!

mardi 2 juillet 2013

SUIS-JE SOUVERAINISTE?

La fête nationale du Québec ainsi que la fête du Canada étant derrière nous, la question se pose pour certains de mes amis: suis-je souverainiste? - Oui, si l'on entend par-là la doctrine voulant qu'il faille d'abord être maître de soi pour être libre. Or, pour être maître de soi et, donc, être libre, il faut beaucoup de courage. C'est ce que je souhaite à mes amis souverainistes: que le courage soit avec eux!
Suis-je donc fédéraliste? - Oui, car je me considère non pas comme un «Québécois», mais un Canadien-français. Depuis la soi-disante «Révolution tranquille», où le peuple du Québec s'est fait, entre autres, usurpé son nom, passant de «Canadien-Français» à «Québécois», la question de Mathieu Bock-Côté surgit sur les lèvres de tous ceux et celles qui souscrivent à cette arnaque. Le «Québécois» est né en 1960, et il est parfaitement normal qu'«il» se demande aujourd'hui, avec perplexité sincère, «Comment peut-on être Canadian?»
Au grand dam de plusieurs, je me considère d'abord comme un «conservateur», et pas du tout comme un «progressiste». Je suis en faveur du changement dans la continuité. Je suis un disciple du philosophe britannique Michael Oakeshott, sur lequel d'ailleurs je travaille à rédaction d'un essai qui aura pour titre: Penser le conservatisme avec Michael Oakeshott.

vendredi 21 juin 2013

POURQUOI J'AIME TANT LE BLUES ET QUE JE SUIS CHRÉTIEN

«L'excellence, comme l'art, vise toujours ce qui est le plus difficile, car le beau est excellent quand il est contrarié.» Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 2.
Mon adhésion à la philosophie d'Aristote est profonde. Elle va jusqu'à l'adhésion à sa philosophie de l'Art, en particulier la sublime KATHARSIS. Mon amour du blues, par exemple, ne me semble pas avoir d'autre explication que le phénomène sublime et transcendant de la KATHARSIS. Lorsque je joue du blues j'entre dans le processus de KATHARSIS (qu'on traduit souvent par «purgation»). Ma croyance chrétienne se fonde elle aussi sur la KATHARSIS car c'est toujours ce que j'expérimente lors du rite eucharistique. La grandeur du christianisme n'a pas d'autre explication à mes yeux que ce phénomène bien humain («divin» par ailleurs, tellement il est sublime et transcendant) de «purgation». Le Blues, pour moi, est aussi une «religion» au sens où cette musique me branche sur l'essentiel, la vertu (constamment retrouvée). C'est d'ailleurs pourquoi Aristote voyait dans l'apprentissage de la musique la meilleure façon d'acquérir la vertu. En ce sens, la «religion» est véritablement, au sens strict du terme, un mode de «salut», car la KATHARSIS nous est essentiel.

«L'excellence, comme l'art, vise toujours ce qui est le plus difficile, car le beau est excellent quand il est contrarié.» Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 2.

samedi 15 juin 2013

JE SUIS PAS DE LA GANG BIEN-PENSANTE EN PHILOSOPHIE AU QUÉBEC

Pas un traite mot de mon essai LE DEVOIR À L'ÉDUCATION dans le tout récent numéro de la revue PHILOSOPHER, printemps 2013! Je rappelle  pourtant le sous-titre de la revue: «La revue de l'enseignement de la philosophie au Québec». C'est à croire que mon essai, paru en novembre 2012, est hors sujet! Par contre, en guise de publicité bien affichée aux PUL, on a  droit à la tête de Normand Baillargeon, coqueluche de mes confrères, annonçant entre autres un nouvel essai de Monsieur PME Philosophie: Turbulences. Essai de philosophie de l'éducation. Et on m'assure qu'il n'y a aucune discrimination? Foutaise! Louis Cornellier n'a jamais publié dans sa chronique du Deoir un compte-rendu de mon essai Le devoir à l'éducation. Bon. J'ai compris. On m'exclut; on ne veut pas m'entendre; on évite systématiquement la dissidence. On veut m'ignorer. Façon polie de m'exclure.  Je vous jure que, d'une manière ou de l'autre, mes confrères-conformistes devront m'entendre et me répondre!

Un ami me confie: «Tu sais, quand le seul compte-rendu de ton essai est celui de Richard Martineau, l'odieux chroniqueur, honni par nos confrères, lequel vante la qualité philosophique de l'essai, ça en dit long sur l'opinion qu'ils ont sur ton livre.»

dimanche 9 juin 2013

LE MYTHE CLIMATIQUE

«La terre est en danger!» titrait à sa une le quotidien Le Devoir au lendemain du dépôt, en février 2007, du quatrième rapport de l’ONU, rédigé par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, réunissant plus de 500 scientifiques, sur l’état du climat planétaire. Désormais, il est avéré et déclaré solennellement que les humains sont responsables du phénomène du réchauffement climatique. Ce fut la victoire de la thèse «carbocentriste»[1] selon laquelle le réchauffement climatique récent aurait pour cause les émissions humaines de gaz carbonique (C02 ou dioxyde de carbone) lequel forme écran causant l’«effet de serre» (angl. greenhouse effect). Il n’en fallait pas plus pour que l’ex-candidat démocrate à la présidence des États-Unis, Al Gore, prit le bâton de pèlerin en devenant le grand prêtre de la croisade contre les changements climatiques. L’ouvrage de ce pape du «réchauffisme» s’intitule Une vérité qui dérange (An Inconvenient Truth, 2007). En France, Hubert Reeves dans Mal de Terre (2003), et Steven Guilbault au Québec, sont devenus les figures de proue du mouvement réchauffiste soutenant la thèse carbocentriste.
            Un puissant «mythe» moderne naissait. Du moins, selon ceux et celles que leurs adversaires désignent souvent péjorativement, accompagné d’invectives, sous le vocable de «climato-sceptiques», dont les plus connus sont sans aucun doute Richard Lindzen, Paul Reiter et Christopher Landsea qui, autrefois, furent membres du GIEC. La thèse des climatologues sceptiques veut que le réchauffement climatique 1) n’existe pas; et 2) si réchauffement climatique il y a, comme il en eut à travers le temps, l’activité humaine n’en est pas la cause. Donc, selon les climato-sceptiques, le réchauffement planétaire n’est qu’un mythe. Si c’est le cas, on assisterait à un mythe issu de la science elle-même pourtant acharnée à déboulonner les mythes de tout ordre! C’est le monde à l’envers, dirait-on.
            Quoi qu’il en soit de la véracité des thèses des uns et des autres, le débat actuels entre partisans du carbocentrisme et des climato-sceptiques, nous forcent à revoir la nature de la science moderne et de son ennemi juré, le mythe. Dans les lignes qui suivent j’assumerai la position climato-sceptique, c’est-à-dire que je pense qu’elle est vraie; donc, que celle du carbocentrisme est fausse.
Comme on sait sans doute, l’objection principale des «anti-réchauffistes», ce sont les études montrant que depuis une quinzaine d’années la terre ne s’est pas réchauffée alors que le C02 (dyoxide de carbonne) était en augmentation. La thèse des carbocentristes est soutenue en particulier par ce qu’on a appelé «la courbe en crosse de hockey» avancée en 1998 dans une étude fameuse de trois chercheurs américains, Michael Mann, Raymond Bradley et Malcolm Hughes. La courbe en forme de hockey montrerait que la température globale de la terre s’est refroidie mais avec une cassure impressionnante au milieu du XXe siècle où le réchauffement climatique se poursuivrait de manière inexorable. Or, deux Canadiens, Steve McIntyre et Ross McKitrik, contestèrent l’étude de Mann, Bradley et Hughes. La critique des Canadiens contre la courbe en crosse de hockey se trouva confirmée en 2006 par une étude indépendante américaine sous la direction de Edward Wegman. Puis l’Académie des sciences livra un jugement similaire au comité dirigé par Wegman: l’analyse en courbe de hockey est simplement fausse! Dans son rapport, Wegman déclare : «Je suis sidéré par l’affirmation qu’une étude méthode incorrecte [celle de Mann et compagnie] n’est pas un problème parce que la conclusion est juste de toute façon. Une méthode fausse avec une réponse juste n’est que de la mauvaise science.»[2] Notons que, dans le quatrième rapport du GIEC, la courbe en question n’apparaît plus.
            L’accusation est lancée : la thèse carbocentriste résulte de la mauvaise science. Voilà ce qui est en bonne partie en jeu dans le conflit climatique. Par opposition, c’est la notion de mythe ou de non-science qui émerge en devenant l’objet du débat opposant le carbocentrisme au climato-sceptique. C’est ce dont j’aimerais examiner dans les lignes qui suivent.
            Auparavant, il nous faut cependant relater la seconde manche du  conflit climatique. L’évolution de la courbe de température globale terrestre a commencé dans le années 1970. Dans les années qui ont suivi, la courbe s’est encore élevée, jusqu’à culminer en 1998 à un niveau élevé. Toutefois, cette hausse s’est depuis lors arrêtée. La température stagne. Il est à noter qu’au cours des années 40 les températures ont diminué, puis stagnent jusqu’aux années 70, pour remonter dans les années 90. Aujourd’hui, elles stagnent à nouveau. Comment expliquer ces températures globales terrestres en dents de scie? Selon les carbocentristes, le réchauffement s’expliquerait par quel qu’autre phénomène masquant la réalité du réchauffement. De plus, font-ils valoir, la stagnation observée est trop courte pour que l’on puisse extrapoler quelque conclusion dans un sens ou l’autre. Les sceptiques font valoir qu’ils ne pourraient s’agir que d’un phénomène cyclique observé de variations des températures, tout à fait «normal», voire naturel. De sorte que l’activité humaine n’aurait rien à voir avec la hausse effrénée observée des années 70 à 90 qui, depuis plus de 15 ans, stagne.
            Il est faux de croire que nous vivons la période la plus chaude de l’histoire de la terre , et que ce réchauffement soit le fait de l’activité humaine. Comme l’écrivent Christian Camara et Claudine Gaston, dans 150 idées reçues sur la science :
À entendre les médias, il n’aurait jamais fait aussi chaud sur Terre. Pourtant, il n’en est rien; périodes de refroidissement et de réchauffement n’ont jamais cessé d’alterner, avec pour ces dernières des températures souvent supérieures à celles que nous connaissons aujourd’hui. L’une des plus marquées, le crétacé, s’est déroulée entre -145 et -65 millions d’années.[3]
            Si cela est le cas, alors la thèse carbocentriste est un mythe de la plus pure espèce, et ce qui est le plus consternant dans toute cette affaire à laquelle nous avons le triste insigne d’assister, c’est que c’est la science contemporaine elle-même qui en est la source et le maître d’œuvre! Cet événement triste et remarquable à la fois mérite qu’on se penche sur l’activité scientifique, sa nature et sa finalité. Évidemment, dans l’espace qui m’est imparti, il est exclu de procéder à une enquête exhaustive sur le sujet. Je me contenterai des quelques remarques qui suivent. D’abord, sur la notion de mythe. Puis, je ferai valoir la conception «falsificationiste» de la science mise au point par le philosophe des sciences Karl R. Popper. La science du climat semble bien en effet faire appel à la conception classique de la science suivant laquelle la science découvre des vérités et ne cherchent que des confirmations. Enfin, je m’interrogerai sur la fameuse «éthique des croyances» qui, selon William K. Clifford et Bertrand Russell, devrait être au cœur de nos convictions rationnelles. À mon avis, le conflit actuel au sujet du climat porte un dur coup à l’idéalisme de l’éthique des croyances. En guise de conclusion, je plaide pour une épistémologie de la vertu, en particulier celle de sagacité.
QU’EST-CE QU’UN «MYTHE»?
On ne saurait, évidemment, passer à côté de l’épineuse question du «mythe». Il va de soi que dans l’expression «le mythe climatique», ce qu’on veut dire c’est que l’explication carbocentriste est fausse, suggérant même que ce qui se cache derrière la fausseté, c’est une volonté de tromper, d’induire en erreur pour y et x (odieuses) raisons. En ce sens, le mot «mythe» constitue une pseudo-explication d’un phénomène laquelle devient une sorte d’«idée reçue» bien-pensante, c’est-à-dire dont le pouvoir de coercition est si manifeste de telle manière qu’il paraît bien difficile, voire périlleux, de penser autrement sans en subir des conséquences néfastes. La grande tradition rationnelle de la science moderne, prenant sa source au siècle des Lumières en Europe, de même qu’en Grèce ancienne avec l’avènement de la philosophie, condamne sans appel «le mythe» au sens de fausseté couramment admise concernant le monde et la nature. C’est pourquoi le «mythe climatique» est particulièrement stupéfiant et odieux puisqu’il est le produit de la science elle-même, pure soi-disant de toute tache mythique.
            Évidemment, le mot «mythe» a plus d’un sens. Justement avec l’avènement de la raison philosophique en Grèce ancienne et de la science qui a suivi par la suite en Europe au XVe et XVIe siècles, le «mythe» n’est pas qu’une simple explication fausse ou erronée d’un phénomène. Réduire les «récits religieux», en particulier, à de mauvaises explications serait parfaitement réducteur de la religion. Car le récit religieux, par exemple le vieux «mythe» biblique de la création du monde en six jours est moins une mauvaise explication devant celle de la théorie du Big Bang, qu’un récit «pourvoyeur de sens».[4] Toutefois, le «mythe climatique» n’a pas, me semble-t-il, cette prétention. Quoique, certains des leurs adeptes en font presque un récit «pourvoyeur de sens» concernant du moins la relation que l’homme devrait entretenir avec l’univers, la nature en particulier. Un manuel d’enseignement de l’écologie au secondaire, par exemple, a pour titre : «La vie : un équilibre à maintenir». Il serait incorrect, voire incongru, de qualifier de «mythique» ce manuel de biologie générale au sens où les explications du phénomènes globales écologiques qui y sont présentées ne seraient que de pseudo-explications. Reste qu’en filigrane l’ouvrage livre un message «téléologique» aux jeunes : la finalité de la nature, de la vie en particulier, c’est l’équilibre. De sorte que les humains sont avertis : en continuant à émettre des tonnes de CO2 dans l’air, ils vont à l’encontre du but dont se serait soi-disant fixé la nature : parvenir à l’équilibre; bref, à la santé. Il n’est pas faux de croire, dans ces conditions, que la nature soit une sorte de super-organisme vivant et intelligent - «Gaïa» comme l’a baptisé le célèbre médecin, cybernéticien et biologiste américain, James Lovelock, dans son fameux essai : La Terre est un être vivant. L’hypothèse Gaïa.[5] Ici, l’explication biologique cède le pas facilement au «mythe» au sens de «pourvoyeur de sens».
            Les êtres humains ont un besoin viscéral de sens, d’où la religion et la philosophie. La littérature aussi, bien entendu. Songeons par exemple à un roman comme 1984 de George Orwell lequel veut, selon une interprétation parmi d’autres, nous prévenir des dérivent de l’autoritarisme et du paternalisme – précisément ce que le siècle des Lumières tenait en horreur.
 
RÉFUTABILITÉ
Ce qui frappe le plus, à mon avis, dans le mythe climatique, c’est la conception de la science à laquelle adhèrent ses partisans. Depuis Karl Raimund Popper (1902-1994), il convient de distinguer la conception classique ou «inductiviste» de la science de la conception «falsificationniste».
D’après la première conception, celle qui domine encore aujourd’hui et qui règne sans partage dans la recherche en climatologie, le but de la science c’est d’énoncer des vérités traitant du monde et, surtout, de confirmer ces vérités. Il semble que le but de la recherche soit uniquement de confirmer des hypothèses ou conjectures. Par exemple, un nombre incalculable d’observations confirment que l’eau boue à 100o C. D’après Popper, jamais un plus grand nombre d’observations ne confirmera la vérité de l’énoncé en question. C’est que l’énoncé repose sur l’induction. Par définition, l’induction n’est pas certaine à cent pour cent, contrairement à la déduction. Il se peut fort bien que l’énoncé touchant le degré d’ébullition de l’eau s’avère finalement faux un jour, malgré la vaste confirmation accumulée à ce jour. Aussi, l’idée reçue selon laquelle la science, constituant un corps de vérités touchant les phénomènes naturels, paraît aujourd’hui obsolète.
            Quelle est donc le rôle de la science si ce n’est pas découvrir des vérités et les confirmations sur la base de l’observation ou de l’expérience, comme le veut la conception classique, c’est-à-dire inductiviste, de la science? D’après Popper, le rôle de la science consiste plutôt à chercher à réfuter - «falsifier» - des hypothèses qui paraissent vraies. D’où la conception «falsificationniste» - ou «réfutabiliste» - de la science.
            Ainsi, lorsqu’on lit les recherches des tenants du carbocentriste on ne peut s’empêcher de remarquer que ces chercheurs adoptent la conception inductiviste de la science décrit précédemment. Ils tentent en effet par tous les moyens imaginables de prouver la véracité de leur thèse quittent à tordre les données observationnelles. Ils tiennent en horreur l’idée que leur thèse serait fausse. Ils font également valoir que 97% des scientifiques soutiennent la thèse carbocentriste.[6] Le consensus parmi les scientifiques est si extraordinaire que les adeptes climato-sceptiques seraient des imbéciles. Depuis quand la loi du nombre est un argument légitime en faveur d’une thèse? Évidemment, ce n’est pas parce que beaucoup de gens – de scientifiques, en particulier – y croient, quelle est forcément vraie. Ce serait commettre en effet le fameux sophisme de l’appel au grand nombre. Le mieux que l’on puisse conclure du consensus scientifique actuel, c’est que l’hypothèse en question n’est pas farfelue ou stupide. Loin de là. Mais elle n’est pas pour autant avérée ou confirmée. Loin de là. En tout cas, les climato-sceptiques, dont je suis, la contestent. Encore une fois, elle ne saurait être vraie de par le fait que bon nombre de scientifiques la supporte. L’histoire des sciences fourmillent d’hypothèses ou de conjectures soutenues par de nombreux savants qui se sont avérées par la suite invraisemblables ou loufoques.
Tant qu’on n’a pas réussi à réfuter, rappelle Popper, une conjecture scientifique, on ne peut la tenir pour scientifique. Même la grande théorie de l’évolution des espèces de Charles Darwin, n’est pas «vraie», du moins selon Popper et ce, au grand dam de la communauté scientifique qui en voit dans le darwinisme le fleuron glorieux de la science moderne.[7] Comment en effet réfuter la théorie de la sélection naturelle? Supposons que les êtres vivants n’aient pas le désire de survivre; que la mort ne soit pas une contrainte de l’existence, etc. Alors, évidemment, le moteur de l’évolution n’étant pas là, les espèces n’existeraient pas. Il faut donc convenir que la survie est une donnée fondamentale, voire métaphysique, que présuppose la théorie de l’évolution de Darwin. C’est pourquoi, Popper parle de la théorie de l’évolution non pas tant comme une théorie scientifique, mais plutôt comme un programme métaphysique de recherche. Toutefois, l’admission de ce projet métaphysique de recherche comporte un élément que rejette par ailleurs la théorie de l’évolution, à savoir la téléologie : c’est en effet parce que des êtres sont ainsi constitués (désirs de survivre, de se maintenir) que peut s’enclencher le processus évolutif par sélection naturelle.
            Quoi qu’il en soit du statut épistémologique du darwinisme, et pour revenir à la doctrine carbocentriste, la thèse réchauffiste prend toutes les allures d’une thèse à l’abri de toute réfutation possible, à l’affut, en contrepartie, de toute confirmation possible et imaginable. La thèse carbocentriste n’est donc pas, en ce sens, de nature scientifique, mais de nature métaphysique, voire religieuse. Il paraît impossible de l’infirmer. Elle est imparable. On assiste donc, du moins si l’on s’en tient à l’épistémologie popperienne, à tout, sauf de la science. La doctrine carbocentriste devient dès lors une sorte de «mythe», entendu au second sens du terme distingué plus haut, en ce qu’elle constitue une vision du monde, de la nature et des êtres humains. Le mythe climatique est pourvoyeur de sens. À mon avis, la doctrine carbocentriste constitue une sorte de métaphysique mal affutée. Il n’y a rien de mal à cela, cependant, sauf qu’il faut savoir à qui et à qui l’on affaire : pas à de la science, mais à un mythe donateur de sens. Par ailleurs, je le répète, ce qui est particulièrement sidérant dans le mythe climatique, c’est que ce soit la science elle-même qui soit à l’origine de ce «mythe».
ÉTHIQUE DE LA CROYANCE
On se rappellera de la catastrophe pétrolière survenue en 2010 aux larges des côtes de la Louisiane. Deepwater Horizon était cette plate-forme pétrolière louée par la compagnie pétrolière BP pour forer dans le golfe du Mexique (dans les eaux territoriales américaines) le puits le plus profond jamais creusé en eau profonde. Elle explosa le 20 avril 2010 générant un incendie puis une marée noire de grande envergure avec une estimation moyenne de 4,9 millions de barils soit 780 millions de litres répandus et un désastre écologique sans précédent. Le 19 septembre, après de nombreuses tentatives, la fuite est déclarée bouchée par le gouvernement fédéral américain. La pollution engendrée affecte l’écosystème et l’économie locale.
La catastrophe pétrolière constitue sans doute l’une des pires catastrophes écologiques à survenir aux États-Unis. Les compagnies d’assurance garantissaient à BP les éventuels dommages à se produire sur la plate-forme pétrolière. Les croyances des dirigeants de BP – de Tony Hayward, en particulier– n’étaient pas fondées quant à la sécurité de leur plate-forme pétrolière. Sur la base des évidences qu’il possédait, BP n’était pas autorisé à poursuivre l’extraction du pétrole dans le golfe du Mexique. On pourrait également soutenir avec raison que même si la plate-forme pétrolière n’avait pas explosée, BP aurait toujours été coupable de négligence.
Sur quoi se base-t-on pour accuser BP? Sur quel principe éthique? Sur le principe voulant qu’«il est mauvais, partout et pour quiconque, de croire quoi que ce soit sur la base d’une évidence insuffisante.» Ce principe fut pour la première fois formulée par William Clifford dans un essai percutant : «The Ethics of Belief» (paru en 1879).[8] Ce principe a reçu le nom de son auteur, le Principe de Clifford.
William Kingdon Clifford (1845-1879), fut un philosophe anglais de la fin du XIXe siècle. Clifford est l’auteur de l’expression «éthique de la croyance». Il fut le premier à faire un lien entre deux disciplines philosophiques, l’épistémologie et l’éthique. Bien avant Clifford, son compatriote John Locke (1632-1704) avait lui aussi préconisé l’éthique de la croyance. Dans le quatrième tome de son monumental Essai sur l’entendement humain (1690), Locke écrit que la bonne croyance menant à la vérité consiste à «ne pas soutenir une proposition avec plus de conviction que ne le justifient les preuves sur lesquelles elle est bâtie.»[9] En bon empiriste, Locke croyait que les preuves justifiant la croyance doivent faire appel à l’expérience sensible fondée sur les cinq sens. En d’autres termes, il s’agit, comme le redira par la suite Clifford, de proportionner nos croyances à l’évidence disponible. Dans le cas contraire, nous serions épistémiquement vicieux et blâmable d’entretenir des croyances sans fondement suffisant, tel BP et son P.D.G., Tony Hayward.

Bertrand Russell a lui aussi soutenu une forme d’éthique de la croyance. Par exemple, au tout début de ses Essais sceptiques on lit : «… il n’est pas désirable d’admettre une proposition quand il n’y aucune raison de supposer qu’elle est vraie.»[10] Plus tard, dans Pourquoi je ne suis pas chrétien, Russell formule ainsi le même principe éthique de la croyance : «L’habitude de fonder les convictions sur des preuves, et de ne leur accorder de certitude que dans la mesure où elles sont garanties par des preuves, guérirait, si elle devenait générale, la plupart des maux dont souffre le monde.»[11]

            Quoi qu’il en soit, la formulation de Clifford reste la plus tranchante et il n’entend pas rire du tout. Rappelons son fameux principe : il est mauvais, partout et pour quiconque, de croire quoi que ce soit sur la base d’une évidence insuffisante. Le principe en question ne prévoit aucune exception, aucune circonstance atténuante puisque c’est mal, partout et pour quiconque etc. Ce genre de prescription morale est qualifié de «déontologique». En somme, le principe de Clifford prescrit un devoir qui ne souffre d’aucune exception.

            Aussi, si l’on devait appliquer l’éthique de la croyance selon le critère de Clifford au débat sur le réchauffement climatique, il faut convenir que les climato-sceptiques seraient vivement interpelés. Ils seraient comme des personnes vicieuses, moralement condamnables. Pourquoi? Parce que leur conviction serait soi-disant insuffisamment soutenue comparativement à celle des partisans du carbocentrisme qui, soi-disant, crèverait les yeux…

Évidemment, toute la question restant en suspens tient à ce qu’il faut précisément tenir comme «preuve ou évidence suffisante». Les climato-sceptiques – dont je suis, je le répète – récusent pour leur part les soi-disant «preuves» des carbocentristes car elles n’en sont pas. Les carbocentristes rétorquent que la vaste majorité des scientifiques soutiennent une multitude des études plaidant en leur faveur.

En somme qui sont les vicieux et qui sont les vertueux dans toute cette affaire? Le critère de Clifford reste muet. Russell, par ailleurs, qui soutenait une éthique subjectiviste[12], où bon ou bien signifie ni plus ni moins : «je souhaite, désire, espère, etc., que tout le monde fasse x», ne nous indique pas l’ombre d’une solution acceptable au critère vague et moralisateur de surcroît de Clifford.

Le principe de Locke-Clifford et Russell n’est donc, au mieux, qu’un vœu pieux, une sorte de souhait ou de recommandation personnelle : il est préférable que… C’est d’ailleurs le rôle précis que lui donne Russell : si l’humanité prenait l’habitude de proportionner leur croyance à l’évidence disponible, elle s’en porterait que mieux!, nous dit-il en substance.

            D’ailleurs, le principe en question s’auto-réfute car il ne passe pas son propre test! Quelle évidence, en effet, avons-nous au juste du principe de Locke-Clifford-Russell? Quelques bons cas judicieux tout au plus, convenons-en volontiers. Pour le reste, il ne s’agit que d’un sophisme de la généralisation hâtive. Il en va de même pour l’empirisme qui déclare que toute connaissance en bonne et due forme repose sur l’expérience sensible. Il s’agit là d’une généralisation qui dépasse l’expérience sensible. Même remarque pour ce qui concerne le rationalisme qui, lui, déclare de son côté que toute connaissance fait appel à la raison. La thèse rationaliste elle-même fait-elle donc appelle à la raison? Est-elle, en d’autres termes, nécessairement vraie ou évidente par elle-même? Apparemment non.

            Enfin, s’il fallait admettre le principe de Locke-Clifford-Russell, il faudrait alors rejeter une masse considérable de nos croyances communes. Par exemple, la croyance à d’autres esprits que le nôtre, ou encore, à l’existence d’un État politique, à l’existence d’une «volonté générale» dont nos démocraties seraient l’expression comme le croyait dur comme fer Jean-Jacques Rousseau. Dans son Contrat social, le philosophe de Genève déclare en effet que «la volonté générale est toujours droite et tend toujours à l’utilité publique».[13] Quelle évidence avons-nous sur laquelle reposerait l’assertion de Jean-Jacques Rousseau? Sur la croyance que la démocratie est le meilleur régime qui soit? On en appellerait alors à une croyance pour en justifier une autre. Mais qu’est-ce que cela, «la volonté générale», «l’intérêt public», «la volonté du peuple», «le souhait de la majorité»? Un partisan du Principe de Locke-Clifford-Russell devrait, sous peine d’incohérence, bannir de son vocabulaire ces vocables qui, pourtant, constituent le cœur de notre vie politique démocratique. L’«évidence», sur ces entités au statut nébuleux, paraît en effet extrêmement faible, de sorte que le premier devoir moral d’un «évidentialiste» serait de ne plus y croire.

            Pour les auteurs du principe en question, il s’agit d’abord de bannir les croyances les plus loufoques, surtout la croyance religieuse. En tout cas, ce fut l’objectif premier de Russell. Le problème est que, du moins en christianisme, la croyance religieuse se définit traditionnellement par la foi. Or, la foi (chrétienne, du moins) n’est pas qu’une simple croyance profane comme les autres, telle ma croyance qu’il fait beau dehors actuellement. La foi, c’est surtout une vertu, une vertu dite «théologale» comme l’a établi Thomas d’Aquin et l’Église à sa suite. Or, la vertu c’est davantage qu’une croyance et plus qu’un sentiment, comme le soutenait par exemple David Hume.[14]Dans l’esprit de nos contemporains, il existe toute une mythologie à ce sujet qui embrouille tout mais sur laquelle il m’est impossible de m’étendre.[15] Néanmoins, je me contenterai de faire remarquer que lorsque le Canadien de Montréal participe aux séries éliminatoires, les partisans enthousiastes conservent une foi inébranlable dans les chances que l’équipe de remporter la fameuse Coupe Stanley, malgré le fait que l’évidence disponible fasse défaut. Ainsi, si fallait s’en tenir au diktat du principe de Locke-Clifford-Russell, il faudrait condamner comme immorale la foi en la victoire des partisans du Canadien. Ce qui est, il va de soi, parfaitement aberrant.


SAGACITÉ

Qu’on me comprenne bien. Je ne souhaite pas jeter l’anathème sur la science, la climatologie en particulier. J'entends toutefois critiquer ce qu’on appelle le «scientisme» qui est une sorte de religion de la science - bien que l’expression «religion de la science» soit un oxymore -, et que je crois reconnaître dans la doctrine des carbocentristes. Ceux qui connaissent mes travaux, savent que je plaide en faveur d'une épistémologie des vertus remontant à Aristote. Il est vain de chercher à formuler des règles stipulant ce qu’il convient ou non de croire, et cela vaut autant pour le critère de réfutabilité de Popper entre science et non-science, ainsi que celui de Locke-Clifford-Russell. Ces critères, visant à démasquer l’erreur, la fausseté, à dénoncer le «mythe», se retournent étonnamment contre leurs auteurs, et deviennent eux-mêmes des sortes de mythes, sinon des «mythèmes».

En contrepartie, il convient de développer ce qu’Aristote désignait par la vertu «phronèsis», la sagacité (qu’on traduit parfois malencontreusement par «prudence»). Je n’en dirai pas davantage à ce sujet, renvoyant le lecteur à mon essai Plaidoyer pour une morale du bien.[16] Je me contenterai de dire que la science appelle une vertu cardinale, celle de prudence. Dans le débat climatique, en particulier, il convient de jouer de prudence, et par «prudence», je n’entends pas une disposition rigide ou braquée, fait d’hésitation et de refus systématique, mais l’une de souplesse et d’intelligence. Certes, la prudence est de mise en science. Mais elle peut s’avérer être un vice, comme je crois le reconnaître, chez bon nombre de carbocentristes. L’audace scientifique, par ailleurs, dont rêvait Popper, peut être parfois un vice. Visons avec Aristote le juste milieu et préférons la vertu épistémologique de sagacité.




[1] J’emprunte le vocable à Benoît Rittaud op. cit. p. 33.
[2] Cité dans Benoît Rittaud, Le mythe climatique, Seuil, 2010, p. 67.
[3] Christian Camara et Claudine Gaston, 150 idées reçues sur la science, First Éditions, 2011, p. 302.
[4] Voir Guy Durand, Petit traité de la vraie religion, Montréal, Liber, 1999, p. 58 et suiv.
[5] Gaia, A New Look at the Life on Earth, 1979. Traduction française chez Champs-Flammarion, 1990.
[6] Voir Normand Baillargeon, «Conspirations, libre marché et aveuglement», Voir, 30 mai 2013.
[7] Dans La quête inachevée. Autobiographie intellectuelle (1974), Popper écrit : «Je suis arrivé à la conclusion que le darwinisme n’est pas une théorie scientifique testable, mais un programme de recherche – un cadre possible pour des théories scientifiques testables.» (p. 237)
[8] On attend toujours sa traduction française.
[9] John Locke, Essai sur l’entendement humain, Tome IV, Paris, Vrin, 2002, chapitre 19, # 1, p. 551.
[10] Bertrand Russell, Essais sceptiques, Les Presses du Compagnonnage, Éditions Rombaldi,1964, p.51.
[11] Bertrand Russell, Pourquoi je ne suis pas chrétien, Genève, J.-J. Pauvert, 1960, p. 17.
[12] Voir Bertrand Russell, Science et religion, Paris, Gallimard, Idées NRF # 248, 1971, p. 175-177
[13] Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Livre II, Chapitre 3, Paris, Garnier-Flammarion, 1962, p. 66
[14] Voir David Hume, Traité de la nature humaine, Livre I, Troisième partie, section VII, Nature de l’idée ou de la croyance. Hume conçoit la croyance comme une émotion. Sur ce point, c’est-à-dire sur la nature de la croyance, profane ou religieuse, nous sommes les parfaits héritiers de Hume.
[15] Sur ce point, je renvoie le lecteur au chapitre 8 de mon Plaidoyer pour une morale du bien, p. 105-114.
[16] Voir mon essai, Plaidoyer pour une morale du bien, Liber, 2011. Le chapitre 9, «L’excellence épistémique», en particulier.