mercredi 10 octobre 2012

LA PROMOTION DU VICE

Le collège du Vieux Montréal m'informe qu'il vient d'adopter une «nouvelle signature», dont le slogan est : «ouvert d'esprit». Voici ma réaction.

 
Permettez-moi de vous dire que la «nouvelle signature» du collège me consterne.

 
D'abord, «ouvert d'esprit» ça ne veut strictement rien dire. Ça me rappelle trop le slogan de Canadian Tire: «Pour des jours comme aujourd'hui.» «Ouvert d'esprit» doit évi...demment se comprendre par son contraire «Fermeture d'esprit.» Qui veut la fermeture d'esprit? Personne. Ensuite, «ouvert d'esprit» désigne un repoussoir, une posture contre le dogmatisme, l'intolérance, etc. L'objectif d'une institution d'éducation tel que le cégep n'est donc pas de faire des jeunes «cultivés», «instruits», mais surtout des jeunes «ouverts», tolérants, etc. «Cultivés», «instruits», etc., tous ces termes feraient trop dans l'acquisition consumériste. Les étudiants de l'asso - ils sont nombreux et militants au Vieux, vous le savez que trop -répliqueraient que ces épithètes traditionnelles sont l'écho du néolibéralisme, du capitaliste honni, etc.

 
 
Vous avez décidé de notre «signature» sur la base du prêt-à-penser qui circule dans le collège lequel fait partie d'une société déjà trop tolérante. Comme toujours, vous vous êtes écrasés devant l'opinion - la doxa, dirait Platon - qui a le vent dans les voiles et qui a presque force de loi. Jamais vous n'auriez osé brandir un rappel à l'ordre, du genre «Sois responsable!» Pourtant, comme cela aurait été opportun et bénéfique après le fameux conflit étudiant qui a laissé tant de profondes cicatrices dans tout le collège! Mais, tout cela, direz-vous, est derrière nous; regardons par en avant! Je comprends que vous même n'étant pas responsables, il serait incongru de l'exiger des étudiants. Pour le reste, je vous renvoie au fameux livre d’Allan Bloom, L’âme désarmée. Essai sur le déclin de la culture générale, (traduction française de The Closing of the Amercan Mind (1987)). Le premier chapitre, La grande vertu de notre époque, traite justement de la fameuse «ouverture d'esprit» qui n'est justement pas une vertu, mais un vice crasse. Le professeur de philosophie  que je suis doit précisément lutter contre le vice consistant à ne plus croire en la vérité. Car l'effet pervers de «l'ouverture de l'esprit», c'est la complaisance dans le nihilisme.