mardi 4 août 2015

LE DOGME DU MATÉRIALISME


J'ai mis la dernière main en juin dernier à un manuscrit que j'intitule Contre l'idolâtrie de la science , où je confronte la science moderne tout en défendant la religion chrétienne. J'ai soumis à l'éditeur Bayard mon manuscrit et... il fut refusé. 

En résumé, Bayard prétend que, méthodologiquement, je m'y prends mal dans ma critique de la science puisque j'invoquerais, pour la réfuter, ce que les tenants athées de la science récusent, à savoir la Révélation chrétienne. 
Pour ma part, je prétends limiter la science en montrant qu'elle s'abreuve à une métaphysique rationaliste remontant à Descartes, laquelle s'est érigée, à l'époque moderne, comme alternative à la métaphysique aristotélico-thomiste. C'est précisément ce que j'ai tenté de montrer dans mon essai. Malheureusement, l'éditeur est passé à côté de la plaque. Quand les auteurs « religieux » ont pour seul recours ce genre d'éditeurs, on n'a pas besoin d'ennemis...

Cyrille Barrette
Je suis de près, dans mon essai, le petit essai du biologiste Cyrille Barrette, Aux racines de la science. Propos d'un scientifique sur la philosophie de la science (Éditions book-e-book, 2014, collection Une chandelle dans les ténèbres, #30). Comme je le dis en introduction, j'apprécie vivement l'effort réflexif de synthèse du professeur émérite de Laval afin d'établir le « credo » du scientifique. Dans son credo scientifique, Barrette mentionne le matérialisme, qu'il qualifie de « méthodologique », par opposition au matérialisme « métaphysique ou ontologique » (p. 16). Ce n'est là qu'un vœu pieux, car le matérialisme auquel souscrit Barrette est bel et bien métaphysique, au sens où, tout se réduit à la matière. Le savant refuse de l'admettre prétextant qu'il ne s'agit que d'une position méthodologique.
Entre temps, je suis tombé sur un texte d'un autre biologiste, américain celui-là, Richard C. Lewontin. Elle est tirée du compte-rendu paru en 1997 de l’essai de Carl Sagan (The Demon-Haunted World). Je ne pouvais pas laisser passer cette énorme confession du matérialisme implicite de la science moderne. Je cite :

« Our willingness to accept scientific claims that are against common sense is the key to an understanding of the real struggle between science and the supernatural. We take side of science in spite of the patent absurdity of some of its constructs, in spite of its failure to fulfill many of its extravagant promises of health and life, in spite of the tolerance of the scientific community for unsubstantiated just-so stories, because we have a prior commitment, a commitment to materialism. It is not that the methods and institutions of science somehow compel us to accept a material explanation of the phenomenal word, but, on the contrary, the we are forced by our a priori adherence to material causes to create an apparatus of investigation and a set of concepts that produce material explanations, no matter how counter-intuitive, no matter how mystifying to the unitiatied. Moreover, that materialism is absolute, for we cannot allow a Divine Foot in the door. » (Richard C. Lewontin, « Billions and Billions of Demons. » The New York Reviews of Books, 9 janvier 1997.) (*)
Dans mon essai, je discute de la notion fondamentale de « cause » en science. Je montre que la science moderne récuse les causes formelles et finales d'Aristote. Pour, elle, une cause doit être matérielle pour qu'elle soit efficiente. C'est un choix métaphysique et, pas seulement, « méthodologique ». Je plaide pour ma part en faveur des quatre types de causes aristotéliciennes. À ma connaissance, rien dans la Révélation chrétienne ne mentionne ces quatre causes, bien qu'elles y soient implicites, comme l'avait bien vue Thomas d'Aquin, mais pas Bayard.

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* Ma traduction. « L'adhésion à aux affirmations scientifiques allant à l'encontre du sens commun constitue la clé pour comprendre la véritable lutte entre la science et le surnaturel. Nous prenons position en faveur de la science, en dépit de l'absurdité évidente de certaines de ses affirmations, en dépit de ses promesses extravagantes non-tenues concernant la santé et la vie, en dépit de l'admission par la communauté scientifique de certaines hypothèses plus ou moins fondées, parce que nous proclamons un engagement a priori, un engagement envers le matérialisme. Non que ses méthodes ainsi que les institutions de la science nous contraignent à n'admettre qu'une explication matérielle du monde phénoménal; au contraire, parce que nous sommes contraints a priori à n'adhérer qu'aux causes matérielles découlant de notre investigation et de concepts qui engendrent des explications matérielles, quelles soient ou non évidentes, et bien qu'elles paraissent mystifiantes pour le non-initité. En outre, le matérialisme en question est absolu, car nous ne souhaitons en aucune façon qu'un Pied divin soit posé dans la porte.»