La pire insulte que l’on puisse
m'adresser comme auteur d’Apprendre à
philosopher, c’est que je plagierais l’ouvrage de Pierre Blackburn, Logique de l’argumentation (ERPI, 1989,
1994). C’est du moins ce que suggère le coprophile, Jordan Raymond-Robidoux
(JRR), jeune professeur de philosophie au cégep de Drummondville.
Lorsqu’il y a bientôt 20 ans, j’ai
commencé à enseigner au cégep, j’avoue que l’ouvrage de Pierre Blackburn m’a
particulièrement séduit, même si j’avais de sérieuses réserves à son sujet et que j'en ai toujours. Après avoir
utilisé certains éléments de Logique de l’argumentation,
j’ai vite déchanté. J’ai par la suite tenté de comprendre ce que je trouvais d’imbuvable
dans ce manuel. Ça m’a pris des années à cracher ce que je ne parvenais pas à
avaler de ce manuel. Lorsque j’eus découvert ce qui m’indisposait dans le
manuel de Blackburn, je ne suis pas parti en guerre contre son auteur ni n’aies-je
cherché à m’engager dans une chasse aux sorcières comme le fait mon inimitable
collègue, JRR. Le manuel mal foutu de Blackburn m’a plutôt incité à rédiger moi-même
un manuel : Apprendre à philosopher. Je déteste accuser les autres de mes propres malheurs.
Je compris qu’il y avait
peu de philosophie dans le manuel de Blackburn. C’est d’ailleurs ce qui
explique que lors de sa seconde édition, l’auteur a inséré – voire gommé – de nombreux
texte de philosophes de la tradition. Malheureusement, ce bricolage décousu n’a
pas permis de faire de l’ouvrage un manuel proprement d’enseignement de la
philosophie; ça demeure au mieux un manuel de pensée critique ou de logique
informelle de second ordre.
En fait, il y a de la philosophie
dans le manuel de Blackburn, mais elle n’est pas thématisée ni explicitée. Voilà ce que l'auteur aurait dû faire pour sa seconde édition. Cette
philosophie sous-terraine est celle du «faillibilisme» qui prend sa source chez Charles
Sanders Peirce et les pragmaticiens américains. Les pragmaticiens ont une
curieuse conception de la vérité. Russell a vertement critiqué la conception de
la vérité chez William James. En fait, les pragmaticiens sont des partisans de
la conception «anti-réaliste» de la vérité; Russell, pour sa part, défendait la
conception réaliste. Malheureusement, Blackburn ne nous explique en aucune
manière ses distinctions philosophiques de première importance.
Comme je l’explique dans un
appendice de mon manuel, j’adopte pour ma part une conception réaliste de la vérité et
de la philosophie provenant d’Aristote. S’il y a bien un auteur que je «plagie»
dans mon manuel c’est bien le Stagirite. Je n’ai aucune gêne à le dire! D’ailleurs,
je le dis noir sur blanc dans l’appendice en question.
Alors, monsieur le coprophile, avant de m’accuser
de plagier Blackburn, relisez bien mon manuel. Vous verrez qu’il n’est que l’ombre
du géant que fut Aristote.
Enfin, je tiens à dire que les
critiques de JRR concernant mon manuel tombent à plat, parce que mon manuel n’est
pas qu’une pâle copie du manuel de Blackburn qui s’avère être la référence
absolue aux yeux de JRR. Dans ces conditions, les soi-disantes «erreurs» que
relèvent JRR ne sont qu’une lecture erronée qu’il fait de mon manuel : on
ne doit pas le lire avec le manuel de Blackburn pour référence.