mardi 22 juin 2010

Il était une fois, la foi... (Réplique à Alexis Gagné-Lebrun («Et pourtant, elle penche…», Le Devoir du mardi 22 juin)

Il est consternant de voir des partisans du cours ECR se servir de l’objection du multiculturalisme et du relativisme que le cours entraînerait contre leurs détracteurs alors que ces derniers leur font le même reproche. Le professeur de physique au collège de Saint-Hyacinthe, Alexis Gagné-Lebrun, retourne l’épouvantail du multiculturalisme et du relativisme contre les adversaires de ECR. L’objection est la suivante : l’enseignement confessionnel ouvre la porte au multiculturalisme ainsi qu’au relativisme honni puisque chaque école pourra désormais enseigner ses propres divinités chéries, c’est-à-dire ses propres «œillères», masquant la réalité, ce qui bloque inévitablement le développement du jugement critique. Au contraire, les adversaires de ECR disent : l’enseignement du pluralisme religieux et moral conduit tout droit au relativisme et conforte la position multiculturaliste. Ils n'ont pas tort. Il faudra bien que les partisans d’ECR répondent à l’accusation, sinon ils n’allèguent qu’un sophisme connu sous le nom latin de Tu quoque qu’on traduit littéralement par «toi aussi» : «tu m’accuses de tel et tel forfait?; eh bien, toi aussi tu le fais et ce, de manière pire encore…» Il ne vaut pas la peine d’entrer dans ce genre de débat de bas étage.

Notre professeur de physique a bien d’autres nébuleuses dans son cyclotron. Par exemple, la raison d’être de l’école, assure-t-il, consiste à former les futurs citoyens à la pensée critique. Fort bien. D’où tient-il donc cela ? N’est-ce pas là un argument d’autorité ? Une évidence ? C’est certes une évidence pour celui ou celle qui vit dans une démocratie libérale comme la nôtre et qui partage le vœu de neutralité d’un État libéral. Cela est si évident pour l’auteur qu’il ne prend aucun soin pour justifier son assertion. Est-ce là toutefois faire preuve d’esprit critique que de prendre des évidences sociales et politiques comme allant de soi ? Et si, par ailleurs, la finalité de l’école était toute autre? Par exemple, que l’école vise à l’excellence dans toute ses acceptions, dont en particulier l’excellence de la pensée? Pourquoi limiter ainsi la «raison d’être» de l’école à la seule pensée critique ? N’est-ce pas là le parti pris d’un «libéral» au sens large du terme ? Pourquoi l’école ne devrait-elle pas aussi développer le sens du devoir être, du courage, de la tempérance, de la justice, de la solidarité, de la responsabilité, etc.; bref, des vertus? Et pourquoi l’école ne pourrait-elle pas développer ces excellences que sont la foi, l’espérance et la charité - dont les films de Bernard Émond en constituent des témoignages éloquents ? Ceux et celles qui ont la foi, qui savent espérer et partager, sont-ils pour autant de mauvais citoyens ? Comme beaucoup aujourd’hui au Québec, l’auteur semble confondre la «foi», qui est une excellence – une vertu, comme on disait autrefois – à une simple «croyance». Il y certes une croyance dans la foi, mais elle ne l'épuise pas. À ce compte, la croyance au libéralisme de l'auteur est tout autant une croyance. Mais croire au libéralisme, c'est plus qu'une simple croyance. L'auteur devrait s’aviser que ce qu’on enseigne au Loyola High School, c’est bien autres choses que de simples «croyances» religieuses, de simples «ornières». Peut-être comprendra-t-il qu’au fond la «raison d’être» de l’école consiste en l’éducation à l’excellence, et que l’excellence n’exclut pas la foi, bien au contraire. Thomas d’Aquin, qui a le malheur d’appartenir au Moyen-âge, que pourfendait soi-disant ce héros des «modernes» que fut Galilée, affirmait que la charité – aujourd’hui, on dirait «solidarité» - constituait l’excellence par excellence. Comme disait saint Paul, si je n’ai pas la charité –la solidarité-, je n’ai rien.

Si, au Loyola High School, on cherche à enseigner l’excellence par excellence dont parle saint Paul, n’est-ce pas là un bien sublime qu’il convient de rechercher de toutes nos forces et de tout notre être, de sorte que, il va de soi, il convienne également de former nos enfants à cette excellence? À cet égard, les purs et durs de ECR paraissent tout simplement consternants et alarmants. Quand cesseront-ils donc de prendre la foi pour une simple croyance, de prendre la proie pour l’ombre? L’idéologie politique du libéralisme à laquelle ils souscrivent est si enracinée en eux qu’il faut de la foi pour espérer qu’un jour ils en sortiront. Comme dit le slogan : libérons-nous des libéraux !