vendredi 22 juillet 2011

RÉPLIQUE À LAGUË. PRISE 2

Malgré les déclarations de Laguë (voir son texte dans Le Devoir du jeudi 21, Libre opinion), le chroniqueur de l’auto n’a, au fond, que du mépris pour le rock québécois alors qu’il exprime toute son admiration pour les «authentiques» rockers anglais. Voilà, je crois, l’essentiel d’une position «Grattonnesque» reflétant excellemment bien la posture du «colonisé». Pour Gratton, toute imitation d’Elvis autre qu’un Blanc est tout simple désolant et déprimant. C’est le cas du malheureux «Elvis Wong» pour qui Gratton n’a que du mépris.

La thèse de Farlardeau-Poulin dans Elvis Gratton c’est que bon nombre de Québécois sont colonisés ou aliénés - «étranger à eux-mêmes» - du fait qu’ils dénigrent systématiquement ce qu’ils sont, à savoir des Québécois, en vénérant les plus puissants, les plus forts et les plus riches - en l’occurrence les «Amaricains». Falardeau écrivait: «C’est très simple, Elvis Gratton. Faire rire pour faire penser.» Le problème, c'est que les imbécilités de Gratton ne sont pris qu'au premier degré seulement; la plupart prenant Gratton, non pas comme colonisé ou aliéné, mais comme un bouffon, point à la ligne.

Prenons un exemple fictif.

J’aime tant les pasta que je ne saurais manger autre chose que les authentiques pasta italiennes, cuisinées par des Italiens de souche. Le reste, c’est du simulacre de cuisine italienne. De sorte que le spaghetti offert dans les restaurants québécois avec de la poutine me consterne et m’horripile. Je n’irai, au grand jamais, manger dans ces bineries! Je suis prêt à l’inverse à payer des sommes astronomiques pour manger dans les meilleurs restaurants italiens de la métropole. (500$ pour une paire de billets pour U2!) Je dénigre alors la cuisine québécoise, surtout lorsqu’elle prétend imiter la cuisine italienne. – Non, mais, soyons sérieux je vous prie : comparer la cuisine québécoise avec la cuisine italienne! C’est comme comparer du jello avec un sorbet au kirsch…

Mais, rétorquera-t-on, n’est-ce pas là un goût bien personnel, parfaitement apolitique et, par ailleurs, parfaitement légitime? Mes goûts sont les miens; ceux qui préfèrent la cuisine québécoise, grand bien leur en fasse! Non merci, pas pour moi! Supposons cependant qu’une masse importante de la population partage avec moi mes goûts pour la cuisine italienne. Notre engouement pour cette cuisine n’aurait d’équivalent que notre dédain pour la cuisine québécoise. Nous poserions alors un geste «politique» au sens où nous soutiendrions, en somme, que seule la cuisine italienne authentique devrait avoir le droit de citer au Québec. Certes, nous ne disons pas ouvertement et carrément que la cuisine nationale nous répugne. Mais notre engouement pour l’autre cuisine nous trahit. Nous nous trahissons lorsque nous sommes prêts à débourser des sommes importantes, pour ne pas dire faramineuse, pour assister à des mégaspectacles mettant en vedette des mégastars. (Comparez : 300$ pour les Rolling Stones et 45$ pour Plume!)

Je pense que l'exemple fictif de la cuisine permet de mieux comprendre ce dont il est question, à savoir que l’engouement pour la musique rock anglaise implique que nous dédaignons, pour ne pas dire méprisons, la musique rock d’ici. Or, ce dédain, voire ce mépris, constitue une position politique, car nous méprisons les gens d’ici ainsi que leur capacité à innover et à créer. En somme, nous dénigrons le Québec pour nous pâmer devant l’Autre. Dans les années ’70 et ’80, nous vivions une époque d’affirmation nationale; la création de la musique québécoise avait le vent dans les voiles. Ces beaux jours sont derrière nous. Ce n’est certainement pas en multipliant ces mégaspectacles que cette fièvre créatrice renaîtra.

J’ajouterai, pour terminer, que les jeunes musiciens québécois qui veulent faire carrière dans le rock ont une énorme pente à remonter quand ils voient l’adulation que les Québécois réservent aux supers-groupes rock.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire