mardi 19 octobre 2010

L'athéisme de Foglia

À l’occasion de la canonisation du frère André, Foglia revient sur l’athéisme, le sien en particulier, dans sa chronique du mardi 19 octobre (Autour du frère André). Sincèrement, j’avoue avoir été estomaqué d’apprendre que le réputé chroniqueur de La Presse ne s’est jamais posé la question de l’existence de Dieu! Que Foglia soit athée, là n’est pas la question puisque ce n’est pas un secret de Polichinelle pour personne. Que, toutefois, Foglia affirme qu’il ne se soit jamais posé la question de l’existence de Dieu, là, j’avoue tomber de ma chaise. Comment un homme de sa trempe peut-il ne jamais s’être posé pareille question? Je rencontre beaucoup de jeunes adultes dans mes cours au collège, et ils sont rares, très rares, ceux et celles qui se soient posés ce genre de question «existentielle». Que, cependant, un homme de lettres et de culture comme Foglia ne se soit jamais posé la question de Dieu, me renverse littéralement! J’ose penser qu’il ne s’agit encore une fois que d’une boutade comme Foglia en maîtrise si bien l’art. Je ne doute pas un seul instant que le chroniqueur s’est posé la question si Dieu existe et il a sans doute répondu par un non catégorique à telle enseigne que tout s’est passé pour lui comme si cette question ne lui avait jamais effleuré l’esprit. En somme, c’est une manière d’affirmer un athéisme pur et dur. Foglia reste, à l’évidence, un homme de «foi» - celui de la «non-foi».

Ce qui me trouble dans la boutade de Foglia, c’est que, indépendamment du fait qu’on soit ou non croyant, il me semble que la question de l’existence de Dieu représente une question importante que tout homme digne de ce nom doit se poser un jour ou l’autre et être en mesure d’en apprécier toute la richesse de sens. L’enseignant de philosophie que je suis se fend  l'âme à faire apprécier à des jeunes adultes les questions de sens qui taraudent l’homme depuis la nuit des temps. Si la question paraît si gênante ou embarrassante pour l’homme de non-foi scrupuleux qu’est Foglia, qu’il considère celle que soulève Leibniz dans ses Principes de la Nature et de la Grâce fondés en raison (1714) : «…pourquoi il y a plutôt quelque chose que rien ?... suppposé que des choses doivent exister, il faut qu’on puisse rendre raison, pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement.» De l’avis de plusieurs, c’est là la question philosophique par excellence. Ainsi, si Dieu existe, pourquoi doit-il exister? Quelle est la raison d’être de son existence? Pourquoi Dieu existe-t-il? Voilà ce que recèle la question de Leibniz, et elle mérite tout notre attention et notre respect. Il me semble que celui ou celle qui pose cette question et tente d’y répondre réalise sa véritable nature qui est celle d’être un homme ou une femme.

Lorsque les jeunes, que je côtoie, m’apprennent, sans éprouver la moindre honte, qu’ils n’ont jamais écouté du Bach ou du Beethoven, et que jamais ils ne souhaitent en écouter, je me dis qu’il y a là la perte immense d’un pan de la culture qui façonne les êtres que nous sommes et qui en donne la valeur. Cela me désole profondément. Les prisonniers de la caverne de Platon sont loins de n’être que des fictions. Lorsqu'un journaliste patenté, du haut de sa tribune, livre ses états d'âme sur une question qu'il n'a jamais eu l'audace de se poser et d'examiner à son mérite, et que le bon peuple acquiesce docilement à ses fadaises, on ne peut que constater l'état de dégénérescence de la culture générale.

André Pratte a par ailleurs parfaitement raison: le miracle d'une résurrection de l'Église catholique au Québec n'aura pas lieu (éditorial de La Presse du lundi 18 octobre). Non pas parce que, comme le croit Pratte, le frère André «appartient à une autre époque» et que «la philosophie de vie prônée par le 'thaumaturge du mont Royal' trouve peu d'échos de nos jours». Tout simplement parce qu'il y a des questions qu'on ne veut plus se poser car on s'avise désormais qu'elles sont désuètes, obsolètes. Pratte et Foglia font partie de ces fossoyeurs de l'Église.

Voltaire, qui passe pour le sceptique des Lumières, écrivit: «L’univers m’embarrasse et je ne puis songer / Que cette horloge existe et n’ait point d’horloger». Mais les Lumières sont derrière nous. L’homme d’aujourd’hui va bien au-delà de tout ce qu’aurait pu imaginer Voltaire - dont l’oublie des grandes questions philosophiques. L'Âge des Ténèbres n'est pas que le titre d'un film.

1 commentaire:

  1. Ici, nous ne nous entendons pas. Je me suis posé la question de Dieu, mais elle ne me semble pas absolument riche, parce qu'elle suppose au préalable l'existence de cet objet.

    Cela dit, si vous entendez Dieu au sens d'origine du monde... je tendrais à aller dans votre direction.

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