Je
fus fort étonné que mon collègue, professeur de philosophie au cégep
Gérald-Godin, ait oublié que le but de l'existence - du moins chez les
philosophes anciens et jusqu’à l’époque des Lumières - était le BONHEUR. Pour
nous, comme pour toute la société d'ailleurs, la LIBERTÉ seule compte.
Contrairement à Aristote qui enseignait que pour être libre, il faut d'abord
être vertueux, le bonheur est devenu caduque. En tout cas, il n’est plus la
visée principale de nos vies. Le bonheur est affaire personnelle, et la société
l’a reléguée aux oubliettes. Pourtant, ce fut l’objet antique de la quête
philosophique.
On
attribue à John Lennon, ce mot percutant de sagesse : «Quand j'étais
petit, ma mère m'a dit que le bonheur était la clé de la vie. À l'école, quand
on m'a demandé d'écrire ce que je voulais être plus tard, j'ai répondu
"heureux". Ils m'ont dit que je n'avais pas compris la question, je
leur ai répondu qu'ils n'avaient pas compris la vie. » Les autorités scolaires
modernes tiennent en effet mordicus que le but de l’éducation est la liberté;
devenir un citoyen responsable et autonome. Le bonheur ? Connais pas!
De
sorte que pour devenir un bon citoyen d’une démocratie libérale, il convient de
développer un « esprit critique ». Voilà la conception moderne de l’éducation «
citoyenne » que défend Réjean Bergeron - comme d’ailleurs la vaste majorité de
mes collègues philosophes.
Le
bonheur fait trop subjectif, personnel, inclinant vers l’individualisme – qui
est à proscrire avec horreur par nos chantres des démocraties libérales. Aristote
– qu’écorche pourtant au passage Bergeron – tenait, lui, que les êtres humains
sont « faits » pour le bonheur (eudaimonia).
Leur finalité est celle d’être heureux. Pas d’être libres. Car pour être libre,
il faut du courage, c’est-à-dire de la vertu. Aussi, l’éducation que prônait le
maître du Lycée est une éducation à la vertu. Connaître – activité éducative
par excellence – était aussi tenue comme une vertu. Si l’on souhaite faire un
pied-de-nez à la soi-disante marchandisation du savoir, il faut revenir à
l’éducation à la vertu. :A la question: « Toi, à quoi tu
sers ? », il faut répondre : À être heureux, c’est-à-dire vertueux.
Pourquoi opposez-vous le bonheur à la liberté? Il n'y a que les âmes serviles qui peuvent être heureuses sans liberté.
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