mercredi 12 août 2015

POURQUOI JE N'AI PAS AIMÉ « La Passion d’Augustine » DE LÉA POOL. Un clou de plus dans le cercueil des communautés religieuses du Québec


Platon avait une dent contre les arts pour quelques bonnes raisons. La principale est que l’art ne véhicule pas le vrai puisqu’il s’adresse d’abord et avant tout, non à notre raison, mais à nos passions. Or, les passions sont instables : un jour, je désire ardemment telle chose, demain, son contraire. Sœur Augustine (Céline Bonnier) est entrée dans la vie religieuse, suite à un avortement, un amour qui a avorté. Elle prit alors le voile pour vivre d’une autre passion : la musique. Non pas Jésus Christ, puisque jamais dans tout le film l’entend-t-on parler de celui dont il est écrit sur un mur du couvent : Ici, il n’y a qu’un maître, c’est le Christ. C’est que ce Christ a le malheur d’être mâle; donc, source de tout malheur. Sœur Lise (Diane Lavallée), rompus aux bassesses de l’autorité et qui l’exerce à son tour de manière éloquente dans son rôle de professeure de français obtuse, commande à ses pupilles de rédiger cette phrase de Bossuet, théoricien de la théocratie sous Louis XIV, inscrite au tableau noir : « Où il n’y a point de maître, tout le monde est maître; où tout le monde est maître, tout le monde est esclave. » Le Révolutionnaires français n’auront aucun mal à contredire Bossuet. À quoi les « révolutionnaires tranquilles » du Québec des années ’60 ajouteront par la suite leur voix.
Dans ce film féministe, on célèbre donc non pas Dieu, non pas des sœurs dans le Christ, mais des femmes humiliées, exploitées, esclaves; on célèbre leur force, leur courage, leur détermination à lutter contre les injustices dont leurs pairs en autorité en sont les bourreaux.
            La musique, non plus la religion, devient le lieu de transcendance, du salut. L’art qui n’était qu’un moyen pour parvenir à Dieu, devient fin ultime. Or, les femmes maîtrisent excellemment les arts, du moins selon les scénaristes Marie Vien et Léa Pool. Elles seules, donc, peuvent bénéficier du salut.
            Ceux et celles qui partagent les valeurs du Québec moderne et progressiste, qui houspillent contre la présence du crucifix à l’Assemblée nationale, apprécient cette lecture biaisée de notre passé religieux. Platon nous prévient toutefois que la passion, même artistique, est source d’égarement et jamais de vérité. Celui qui a dit : « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jn 14 6), n'est pas qu'une Passion selon Bach. La mère Supérieure de la congrégation (Marie Tifo), qui n'a pas elle une once de charité chrétienne, rappelle avec raison à Sœur Augustine que ses vœux ne portaient sur la musique mais sur Jésus Christ. Dans ce capharnaüm indigne de la vie religieuse, les gens d'aujourd'hui applaudissent au courage de Sœur Augustine, de sorte qu'on se prend à se dire que la vie religieuse, avec tous ses accrocs à la liberté, fut la pire des calamités pour nos ancêtres. On se tourne à présent vers l'État québécois et démocratique qui prône désormais la liberté à tout crin par où, au nom de cette même liberté, on veut notre État  purement laïque.