Suite
à la lecture du premier chapitre de Lettres
ouvertes. Correspondance entre un athée et un croyant (MédiasPaul, 2013),
mettant en dialogue Cyrille Barrette (athée) et Jean-Guy Saint-Arnaud (jésuite), j’ai décidé de
prendre la plume pour répondre à monsieur Barrette, professeur émérite de
biologie à l’Université Laval. Non pas que la réplique du Père Saint-Arnaud
soit ni pertinente ni intéressante, je pense toutefois qu’elle manque d’amplitude au plan philosophique. Humblement, je soumets aux
deux débatteurs la réplique que voici.
Malgré leurs réticences à l’avouer
ouvertement, les défenseurs de la science moderne, tel Cyrille Barrette,
doivent reconnaître qu’ils nourrissent une métaphysique.
Barrette, par exemple, rejette ce qu’il appelle « la logique ordinaire du
quotidien » (p. 23). En somme, il rejette la métaphysique du sens commun à laquelle s'abreuverait la
religion : « En religion, écrit le biologiste, l’origine évoque la
création instantanée, parfois à partir de rien, et réalisée comme par magie par
un créateur hors de la nature.»
La
métaphysique qu’adopte implicitement le scientifique, souvent contraire au sens
commun, est celle du naturalisme. Comme
toute métaphysique, le naturalisme traite de la conception ultime de la
réalité. Elle soutient qu’il n’y a rien en dehors de la nature. La métaphysique
contraire au naturalisme n’est pas le sens commun, mais le surnaturalisme laquelle admet la possibilité qu’une réalité plus
fondamentale à celle de la nature existe en dehors de la nature. Pour le
surnaturalisme, Dieu précisément, existerait en dehors de la nature et en
serait le créateur. Le naturalisme nie précisément ce point car, pour lui, à l’intérieur
du système global de la nature, tout événement singulier se produit dans l’espace
et le temps, parce qu’un événement antérieur s’est produit. De plus, l’univers
matériel constitue la seule réalité. La matière n’a jamais été créée; elle
aurait toujours existé. La matière s’est développée suivant des lois formant un
univers organisé à la suite un processus aveugle temporel dû au hasard. En
somme, le naturalisme est un matérialisme. La matière n’est que le résultat de
la collision accidentelle d’atomes.
L’«
origine » de quoi que ce soit, entre autres de l’univers, obéit à la
métaphysique naturaliste. L’univers, où la totalité de la réalité, c’est-à-dire
de la matière, n’a pas à proprement parler d’« origine », la matière ayant pour
ainsi dire toujours existé. Son existence est parfaitement contingente, c’est-à-dire
qu’il y aurait bien pu n’avoir rien; il n’y a apparemment aucune nécessité à l’existence
de quoi que ce soit.
Cyrille
Barrette résume en quatre points le concept d’« origine » en biologie dans le
cadre de la métaphysique naturaliste et matérialiste (p. 24 à 27) :
1.
L’origine
elle-même couvre une longue durée.
2.
L’origine
est toujours une émergence imperceptible, diffuse.
3.
L’origine
est toujours contingente, c’est-à-dire jamais inévitable, ni prévisible, ni
annoncée, ni planifiée, toujours surprenante.
4.
L’origine,
c’est la mise en place des éléments qui constituent la définition de l’objet en
question.
Ainsi, si l’on s’interroge sur la
question brûlante de l’origine de la vie, une « bonne » réponse doit satisfaire
au quatre critères précédents, sinon la réponse n’est pas acceptable et doit
être rejetée. Comme on le constate, la vérité concernant l’origine de la vie doit
s’inscrire dans le cadre de la métaphysique naturaliste et matérialiste. Tout
autre type de réponse, religieuse entre autres, doit être a priori rejeté.
Le surnaturalisme conteste la métaphysique naturaliste-matérialiste. En
prenant la caractérisation que William James (1842-1910) a donné de la vie religieuse, on
peut dire que la croyance religieuse est surnaturelle
et spirituelle :
1. Le
monde visible n’est qu’une partie d’un univers invisible et spirituel d’où lui
vient toute sa valeur.
2. La
fin de l’homme est l’union intime, harmonieuse avec cet univers.
3. La
prière – c’est-à-dire la communion avec l’esprit de l’univers, que ce soit Dieu
ou seulement une loi – est un acte qui ne reste pas sans effet : il en
résulte un influx d’énergie spirituelle qui peut modifier d’une manière
sensible aussi bien les phénomènes matériels que ceux de l’âme.[1]
Au
fond, la question centrale opposant le naturalisme au surnaturalisme, devient celle
concernant la réalité ultime de l’univers, le naturalisme prétendant que celle-ci
est de nature matérielle; le surnaturalisme,
au contraire, pense que l’univers est foncièrement de nature spirituelle. Les avancées remarquables
en neurobiologique semblent donner raison au naturalisme en ce sens que les
développements subséquent de la neurobiologiques finiront par dissiper le mystère
apparemment intraitable de la conscience humaine qui ne s’expliquerait soi-disant
que par l’activité neuronale du cerveau – laquelle, il va de soi, demeure
encore aujourd’hui un profond mystère.
Or,
la réfutation du naturalisme est venue de l’auteur de Narnia, Clive Stamples Lewis (1898-1963), célèbre écrivain britannique mais aussi apologète
chrétien. La thèse matérialiste du naturalisme se réfute d’elle-même.
La réfutation du naturalisme se présente ainsi: « Si mes démarches mentales
sont entièrement déterminées par les mouvements des atomes dans mon cerveau, je
n’ai aucune raison de supposer que
mes croyances soient vraies… donc, je n’ai aucune raison de supposer que mon cerveau soit composé d’atomes. »[2]
Si, en effet, ce que je puis savoir résulte de l’activité cérébrale, neuronale
en particulier, alors ce que je sais ne consiste qu’en ces activités cérébrales
sans que la vérité me soit accessible. Puisque ces activités ne sont pas « intelligentes
», au sens où elles ne sont que des processus bio-électriques, elles peuvent en
aucune manière connaître le vrai. Les activités neuronales ne sont qu’une suite
causale d’activités bio-électriques, de sorte que les activités cérébrales ne savent strictement rien. En somme, ce
n’est pas la matière elle-même qui pense, mais notre esprit. Avoir une raison
de supposer p, c’est penser (ou
croire) que p est vrai. Or, un
neurone - voire un milliers de neurones reliés ensemble - ne peuvent penser que p est vrai, ou que j’ai de
bonnes raisons de croire que p est vrai.
L’esprit
humain est intentionnel. C’est l’une
de ses caractéristiques principales, voire essentielles. Un neurone n’est pas
intentionnel; il n’a pas la capacité de désigner
ou signifier quoi que ce soit à l’extérieur
de lui se trouvant dans la réalité. Reconnaître
la vérité, c’est être capable de désigner
un certain état de choses dans la réalité, à l’extérieur de la conscience
humaine. De telle manière que l’espérance du naturalisme d’expliquer la
conscience par la matière est, en principe, impossible. C’est l’illusion sur
lequel roule le partisan du naturalisme-matérialisme. Pour cette raison, il faut
dénoncer cette métaphysique qui bloque et alourdit la vie spirituelle des
hommes et des femmes.
Avec tout le respect que je dois au scientifique qu'est Cyrille Barrette, il est grand temps que les masques tombent, et que ceux et celles qui se drapent de la Science, soient démasqués comme des aveugles nous guidant sur des chemins de précipice.
[1]
William James, Les formes multiples de l’expérience
religieuse. Essai de psychologie descriptive. Chambéry, Éditions Exergue, 2001,
p. 443.
[2]Richard
Haldane (1856-1928), célèbre humaniste anglais, auteur d’un ouvrage sur la
relativité. Cité dans C. S. Lewis, Les Miracles.
Étude préliminaire, SPB, Paris, 1985, p. 22. Je souligne «raison».
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