Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être.
Goethe
Comme je le mentionne dans le fil de discussion au sujet de ma lettre 100 000 Elvis Gratton, il s’agit d’un coup de gueule, où je concède qu’il y a là exagération – comme dans tout coup de gueule. Cependant, le sens de ma lettre visait principalement à interroger la dimension politique de notre appui massif, manifeste cet été au Québec, pour la musique populaire anglophone. Je tiens à redire que je n’ai, personnellement, rien contre la musique du groupe Metallica en particulier, bien je n’en sois pas amateur. Comprenons-nous bien : je n’attaque pas les amateurs d’un genre musical ; ce n’est pas une question d’appréciation esthétique sur lequel porte notre différend mais une question d’appréciation politique. À cet égard, nos niveaux d’analyses divergent. Vous et mes critiques (qui sont, je l’avoue, légion), vous vous placez systématiquement au niveau du «je», de ses préférences, de ses goûts, et vous dites en somme : ne touchez pas! D’accord. Moi, je ne me positionne pas au plan de la première personne, mais à celle de la troisième, le «il», le collectif. Ce qui offre une autre perspective d’analyse, et donc d’évaluation. Du point de vue du «je», les choix musicaux, c’est bien connu, ne se discutent pas. Elvis Gratton se passionnait pour les chansons d’Elvis. Aucun problème sur ce plan. Toutefois, si une vaste majorité de Québécois faisait le même choix que lui, là, la perspective change, et cette préférence toute individuelle prend alors, qu'on le veuille ou non, une autre dimension – une dimension politique. Ainsi, un choix individuel peut devenir un choix collectif lequel à des împlications politiques. La question politique est alors la suivante : l’État doit-il subventionner un festival faisant la promotion de la musique d’Elvis Presley ? Plus réalistement: l’État doit-il subventionner le Festival d'été de Québec qui fait la promotion de la musique anglophone des grosses pointures: les MaCartney, Black Eyed Peas, Elton John, Metallica... ?. Comme le remarquait un de vos courriéristes (Henri Marineau, Lettre, mercredi 20 juillet), sur un ton beaucoup plus nuancé que le mien : «…qu’est-ce que les jeunes vont retenir : Metallica ou Jean-Pierre Ferland ?» Poser la question, c’est y répondre. Qu’on le veuille ou non, un choix individuel est aussi un choix politique. Pour paraphraser le titre d'un ouvrage de Laure Waridel, Écoutez, c'est voter.
Cette prémisse étant établie, si nos choix sont en somme collectifs, une image collective se dégage du type de personne opérant ces choix collectifs. En contexte québécois, c’est celui qui dénigre systématiquement ce qui est québécois parce que c’est petit et minable comparativement à tout ce qui est anglophone - les «Amaricains» comme dit savoureusement Elvis Gratton. C’est la thèse du dénigrement de soi de Falardeau-Poulin que je reprends à mon compte ici et que j'évoquais en filigrane dans ma lettre. Nous passons ici, pour ainsi dire, à un troisième niveau d’analyse où nous tentons d’identifier cette fois-ci ce personnage québécois typique – qui n’existe pas, je le concède au plan individuel, mais uniquement au plan collectif. Elvis Gratton est un «mythe», création de l'inconscient collectif selon Jung, au sens où il est le modèle, le prototype du Québécois – considéré, je le répète, au plan collectif. Ce mythe parle de nous, de notre ADN national, pour ainsi dire. La question politique devient celle de la question identitaire si aiguë au Québec. Gratton patine sur la bottine lorsqu'on lui demande de décliner son identité. Pour le citer à nouveau: «Moé, chus un Canadien québécois. Un Français, Canadien-français. Un Amaricain du Nord français. Un francophone, Québécois canadien. Un Québécois d’expression française, française», etc. Tous les Québécois ont la même perplexité à cet égard. On peut ou non souscrire à la thèse du dénigrement de soi de Falardeau-Poulin, la contester ou l’infirmer. Pour ma part, il m’a semblé que des événements musicaux comme ceux auxquels nous venons d'assister, avec la messe papale de Metallica, donnent de l’eau au moulin à la thèse de Falardeau-Poulin. Si c’est le cas, alors effectivement il y avait bel et bien 100 000 Elvis Gratton et plus encore qui exultèrent en transe sur les volutes musicales de Metallica.
Cela dit, cher ami, malgré tout ce que je viens de dire, continuez à vous passionner pour le rock anglophone. Mais n'oubliez pas, comme le chante Charlebois, qu'ici au Québec tout commence par un Q et finit par un bec... Ce qui signfie que tout est à l'envers au Québec. Désolé, monsieur Laguë, mais au Québec on ne peut pas faire ce qu'on veut comme ailleurs. Par exemple, il y la loi 101 que les anglophones québécois ont encore dans la gorge. Nous sommes, vous le savez pourtant, un peuple fragile. C'est la condition de l'Homo Quebecus. En d'autres termes, comme disait l'autre, y'en aura pas de facile! Peut-être qu'un jour on sera si tanné de cet état d'être qu'on s'assimilera tout bêtement et tout rentrera dans l'ordre. Notre histoire politique depuis les années '60 est celle d'une lutte terrible. Quoi qu'il en soit, d'ici notre éventuelle assimilation, il y aura toujours un faitguant qui - tel le sphinx qui guettait aux portes de Thèbes en interrogeant les passants de son énigmatique «Qui es-tu?» - s'acharnera à nous déranger à propos de notre sacrée identité.
Pourquoi faudrait-il voir une dimension politique à un engouement pour un artiste, qu'il soit Québécois ou étranger??? Parce qu'un passionné d'art lyrique américain ou canadien idolâtre Luciano Pavarotti, cela fait-il de lui un partisan de Berlusconi? Ce genre de réflexion est bien plus un symptôme de cette mentalité d'assiégé, de l'insécurité culturelle des "nationaleux" de chez nous qu'un argument politique rationnel.
RépondreSupprimerLes groupes de hard rock/métal québécois d'expression française existent (Les Ékorchés en sont un exemple rare, mais éloquent). Le jour où les médias québécois oseront s'aventurer hors de leur zone de confort "matantisant" et auront assez de couilles pour diffuser et promouvoir ces artistes du décibel rebelle, on pourra espérer un effet d'entrainement parmi les métalleux francophones à travers tout le Québec.
Qui sait, peut-être un jour assisterons-nous à un mégaconcert Heavy QC sur les Plaines d'Abraham... dans la langue de Molière. On peut rêver...
D'ici là, je veux bien encourager la relève québécoise... mais Pierre Lapointe, très peu pour moi.
Kick ass!!!
Jérôme "Hetfield" Brisson
Disons-le simplement : le «troisième niveau d'analyse» ne possède pas cette distanciation nécessaire à l'appréciation.
RépondreSupprimerLe constat est simple : il y a à l'origine chez l'auteur individuel un malaise informe ; ce malaise est interprété comme un souci vertueux envers la société, cette dernière se précisant en nation, culture, avec sa mythologie identitaire ; enfin, un des éléments, presque aléatoire, représentant la nouveauté ou la transformation (toute mythologie raconte la rupture) se voit désigner comme bouc émissaire et rassemble les dénonciations.
Rien de nouveau dans le procédé. Le problème est que, sous son vernis de questionnement philosophique, il exclut les véritables questions, qui doivent être basées sur des constats. Qu'est-ce que le Québec? Des chansons, des modes vestimentaires, une histoire de résistance? Et le français dans tout ça? Pourquoi donc les immigrants n'acceptent-ils pas de l'ingurgiter comme des oisillons? Pourquoi les habitants de la Capitale Nationale et du Québec entier en fin de compte meublent-ils leurs conversations de termes inutilement empruntés au voisin, comme ils meublent leur vie de bébelles à crédit et leur temps de gadgets lumineux? La langue ne suffit pas.
Alors, projeter ce malaise informe vers de pauvres amateurs de musique, dans ce qui n'a finalement rien à voir avec la politique (à moins bien entendu que tout ce qui est collectif soit politique, auquel cas le terme est aussi précis que «truc» ou «chose» et qu'il ne sert à rien) nuit au véritable débat.
Je dirais simplement, pour ne pas avoir l'air trop hors sujet, que la pire chose qui puisse arriver à une culture est qu'elle soit prise en charge par l'institution politique. Encouragée, oui, dirigée, non. C'est de cette propagande artificielle que provient la manifeste allergie à tout ce qui est québécois qui suinte des micros malpropres de la basse-ville et d'ailleurs.
Au plaisir
Alexis Lamy-Théberge
Pourquoi Anonyme terminant sa diatribe par un «Kick ass!!!» sonore (et pourquoi au demeurant?) se donne-t-il la peine d'intervenir en montrant dans son argumentaire, qu'il ne comprends pas ce dont il est question ?
RépondreSupprimerGilles Théberge
Bonjour monsieur théberge,
RépondreSupprimerje crois que vous vous y êtes mal pris en vous attaquant aux amateurs de Rock... je crois que qu'une personne peut aimer métallica ou tout autre groupe de musique et être un passionné de philosophie, avoir de la culture et savoir qui on est comme peuple...
Peut être que comme professeur vous auriez pu critiquer notre système d'éducation au Québec (ce n'est pas un reproche). Un système que ne met pas assez l'accent sur la culture, la lecture, la réflexion, la politisation, pour pouvoir former de bons citoyens?
Qui sommes nous? si tu ne connais pas ta propre histoire tu ne le sais pas...
Pourquoi sommes nous fédéraliste ou souverainiste? avec de la réflexion et des arguments qui s'y greffent on peut discuter et même convaincre son adversaire sur certains points..
Ce sont ces choses que les jeunes d'aujourd'hui sont privés.. Dommage d'ailleurs... puisqu'un peuple qui se fait dicter quoi penser par (la tv, Radio, Internet, pseudo experts etc...) est un peuple qui se fera berner...
Yan Langlois
en ce qui concerne la partie de votre texte ou vous vous demandez si l'État doit subventionner: Elvis Presley Elton John, Britney Spears ou tout autre produit de consommation: (excusez moi de qualifier certains artistes comme des produits jetable issu de la publicité) Non.. Ce type d'artistes sont des petites PME, donc il est normal à tout le moins de financer nos propres PME au lieu de celles du voisin... Logique..
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