« Le mot 'néolibéral' est maintenant surtout brandi comme une insulte. Un peu comme 'Hitler', 'nazi' ou 'fasciste', des termes qui, dans toute discussion enflammée, servent à jeter un discrédit instané sur l'adversaire. » Mario Roy, La Presse
Je
remercie mon collègue Éric Martin des précisions qu’il apporte concernant les
raisons qui justifieraient l’exercice d’« austérité » du gouvernement
Couillard. Enfin, voilà matière à penser ! Malheureusement, l’explication de la
soi-disante austérité néolibérale de mon collègue tombe à plat. Voici comment.
Il s’agit de démontrer que la
rigueur budgétaire – l’« austérité » - de l’actuel gouvernement Couillard
suivrait une force occulte politique appelé « néolibéralisme » qui, tel un
spectre, hanterait le monde occidental, dont le Québec, depuis les années 1980.
Le mantra de la gauche veut que ce spectre origine du règne honni de Margaret
Thatcher, l’hideuse « Dame de Fer » - qui, pourtant, a pu remettre sur ses
rails un Royaume-Uni qui périclitait sous les Travaillistes qui multipliaient
les nationalisations. Comme le disait l’économiste Pierre Fortin, on assiste au
retour du bon vieux Bonhomme Sept-Heures
(L’actualité, octobre 2012). Le
Québec n’a rien de néolibéral, écrit l’économiste. « Chez nous, le poids de l’État dans l’économie est plus important que
partout ailleurs en Amérique du Nord. Il s’est même accru depuis 30 ans. Les
dépenses provinciales et municipales équivalent à 34% de notre revenu
intérieur, contre 24 % dans le reste du Canada. Aucun État américain ou autre
province canadienne n’a un taux de couverture syndicale aussi important que le
nôtre (39%). Le pouvoir d’achat de notre salaire minimum est parmi les plus
élevés d’Amérique du Nord. Le Québec est le seul État sur ce continent où,
globalement, les inégalités de revenu n’ont pas augmenté depuis 35 ans. »
Le fameux néolibéralisme n’est qu’un
épouvantail pour faire peur au monde. « Un spectre hanterait le Québec avec l’austérité.
» C’est faire peur à nos jeunes qui sont vulnérables. On veut leur faire croire
au Bonhomme Sept-Heures ! On est bien loin de l’éducation à l’esprit critique.
Plus
prosaïquement, la rigueur budgétaire actuelle du gouvernement Couillard vise l’équilibre
budgétaire devant le coup onéreux du fameux « modèle québécois » mis en place
dans les années ’60 qui déstabilise l’équilibre budgétaire. On a mis en place un
État-providence, une grosse machine, digne de Léviathan, visant à régler une
bonne fois pour nos responsabilités vis-à-vis les plus démunis. Aujourd’hui, on
se retrouve avec une dette de 273 milliards dont les intérêts s’ajoutent à
chaque minute.
La
cause de l’« austérité », ce n’est donc pas le néolibéralisme, mais la triste
réalité commune à la vie économique des humains : il faut rembourser un
jour ce qu’on a emprunté. La Grèce apprend, dans ses chairs, cette navrante
réalité. Sans surprise, le parti socialiste au pouvoir en Grèce accuse le Fond
Monétaire International et la Banque centrale européenne, d’empocher les
deniers issus des mesures d’« austérité ». C’est toujours l’Autre qui a tort.
Jean-Paul Sartre semble avoir raison pour la gauche bien-pensante : l’enfer, c’est les autres.
L’Autre,
il va de soi, en tout premier lieu, c’est le riche. L’infâme riche. Le paria de
la société. 5% des riches au Québec paie 50% de la totalité des impôts. 41 % de
la population ne paie aucun impôt. Vaches à lait, les riches. Et pourtant, on
continue à les humilier.
Les
talents et la richesse étant distribués aléatoirement et arbitrairement, John
Rawls, le grand philosophe politique de la sociale-démocratie, soutenait que
personne ne mérite ses talents et excellences et que, en conséquence, chaque
talent ou excellence doit servir aux plus démunis. Ayn Rand parlait de « cannibalisme moral ». On se moque bien
de cette américaine d’origine russe qu’on aime qualifier de « prêtresse du capitalisme
». Avec Rawls, c’est du sérieux : le cannibalisme moral est un état de
fait.
Le
bréviaire de Margaret Thatcher était un discours du l’ancien président des
États-Unis, Abraham Lincoln. Or, à ce que je sache, le règne Lincoln n’avait
rien du néolibéralisme. Voici quelques lignes du discours de Lincoln que j’invite
à méditer avant de crier au Bonhomme Sept-Heure : « On ne peut donner la force aux faibles en affaiblissant les forts. On
ne peut aider l’employé en terrassant son employeur. On ne peut développer la
fraternité humaine en encourageant la haine des classes. On ne peut aider les
pauvres en détruisant les riches. On ne peut rien construire de solide sur
l’argent emprunté. » (cité dans Margaret
Thatcher par Jean-Louis Thiériot, Perrin, 2011, p. 226).
J’adresse,
pour clore, une question à Éric Martin, défenseur de la formation générale au
collégial. S’il faut maintenant transformer le monde, comme l’indique Marx,
puisque la philosophie serait dépassée, à quoi sert alors les cours de
philosophie au collégial payés en grande partie par les vilains riches ? La prière
des anti-austérités est celle-ci : Payez,
payez pour nous. Ainsi soit-il !
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