Relisons l'article 9.1 de la Charte des droits
et libertés de la personne: «Exercice des libertés et droits fondamentaux. - Les
libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs
démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens.» C'est
sur cet article de la Charte québécoise que repose la loi spéciale 78. Ceux et
celles qui la contestent, contestent donc l'article 9.1 de la Charte. Les
droits individuels, dont celui de la liberté d’expression (de manifestation,
donc) ne sont légitimes qu’au regard d'un État de droit, c’est-à-dire d’un
ensemble de droits qui est limité par l’article 9.1 qui exprime le plus
clairement qu’il soit possible, l’État de droit. Rappelons aussi que l’État
lui-même est soumis au droit; d'où l'expression «État de droit».
Il faut admettre que la raison d’État est paradoxale.
Jean-Jacques Rousseau écrit dans le Contrat
social : «L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté.»
(1, 8). De prime abord, la prescription qui suit paraît incohérente: «Soyez le
libre, la liberté l’ordonne!». Pour Kant, grand lecteur du philosophe de
Genève, l’État représente l’expression de la raison de chacun, c’est-à-dire qu’elle
est universelle. L’être humain, selon Kant, a l’obligation d’être autonome et,
paradoxalement, son autonomie consiste à obéir aux lois promulguées par l’État.
John Rawls, reprendra les positions de ses illustres devanciers libéraux, dans
une formule lapidaire : «La liberté ne peut être limitée qu’au nom de la
liberté elle-même.»
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